dimanche 3 juin 2007

Pourquoi j’achète les livres dont personne ne veut ?



XAVIER MARCEL BOULESTIN
A Londres, Naguère…


MAURICE ED. SAILLAND (dit CURNONSKY)
Cahiers d’un mercenaire de lettres
A Travers mon binocle

Un ami, Préfet Maritime, qui s’y connaît, me disait l’autre jour, « il faut laisser des traces, l’histoire littéraire s’écrit grâce à elles ». La maigreur des souvenirs de Boulestin et Curnonsky, ne rendent pas moins importantes les traces qu’ils ont laissées, et que nous allons tenter de suivre.




X.-M. Boulestin secrétaire et collaborateur de Willy, figure sous le pseudonyme de Hicksem dans Les Egarements de Minne de Colette, Boulestin d'après Willy dans les Indiscrétions "était un peu filou et énormément pédéraste. Il s'en vantait".

Passionné de musique c’est par l’intermédiaire de Gustave Samazeuilh, compositeur de la jeune école française, qui lui conseilla de lui demander une préface pour son premier livre, qu’il entra en contact avec Willy. Henry-Gauthier Villard, était alors l’auteur des Lettres de l’ouvreuse, qui dans L’Echo de Paris rendait compte des concerts. Une vraie camaraderie va lier Boulestin à Colette, qui appréciait ce jeune homme qui l’accompagnait pour des goûters exotiques chez Hédiard ou Ladurée, et avec qui elle tenait « des parlotes dont le ton tournait au chuchotement complice » (Mes Apprentissages).
Boulestin est fasciné par l’Angleterre, il en adopte très tôt, le mode de vie, la culture, apprend la langue et se rend régulièrement à Londres avant de s’y établir et d’y ouvrir un restaurant français. Il sera le premier traducteur de l’écrivain et caricaturiste Max Beerbohm, qu’il avait rencontré à Dieppe avec Reggie Turner, c’est en 1905 au Mercure de France que paraîtra sa traduction de Happy hypocrite, qu’il traduira par L'Hypocrite sanctifié, Boulestin écrit que Vallette, le vaillant directeur du Mercure, pensait que l’auteur anglais n’existait pas et sortait tout droit de l’imagination de Boulestin.
L’ouvrage, comme son titre l’indique, est plus particulièrement consacré à la description de Londres, ses concerts, ses théâtres, et sur la vie de l’auteur dans la société intellectuelle et aristocratique londonienne de la première moitié du vingtième siècle. Boulestin y trace tout de même les silhouettes ou plus simplement le souvenir des figures parisiennes qu’il rencontra.
Willy, le patron, bien sur y figure en bonne place, entouré de ses « collabos » et amis, Toulet, Curnonsky ou Henri Bataille. Il nous montre Sem crayonnant les personnalités. Robert de Montesquiou promenant ses chiens. Colette et Polaire déguisées en Claudine, « Twins », aux bras de Willy. Maeterlinck et Georgette Leblanc en tenues d’automobilistes, manteaux et lunettes, couverts de poussières, plus préoccupé par la vitesse et la mécanique, que par les beautés de la mer.
Boulestin joua un athénien au côté de Colette en faune dans une pantomime de Francis de Croisset, accompagnée d’une musique de Jean Nouguès, Georgette Leblanc qui pour l’occasion avait prit la direction du Théâtre des Mathurins, jouait en première partie dans Tintagile de son compagnon Maurice Maeterlinck. La photo de Colette figurant en faune dans Anches et Embouchures de Willy (précédé d’une préface de Boulestin signée Hicksem) fut elle prise à l’occasion de la représentation de la pantomime de Croisset, ou lors de celle de Dialogue au soleil couchant de Pierre Louÿs dans le jardin de Natalie Barney ? Voilà une question de première importance, vous en conviendrez, que je n’ai pas résolue.



X.-M. Boulestin A Londres, Naguère…Librairie Arthème Fayard, Collection C’était hier, 1946. Traduction anglaise : 1948 chez Home & Van Thal.


Curnonsky, de son vrai nom Maurice-Edmond Sailland est toute de même plus connu que Boulestin, on se souvient parfois qu’il fut élu Prince des Gastronomes, à une époque où l’on sacrait Paul Fort, Prince des Poètes, Han Ryner Prince des Conteurs, Gabriel de Lautrec Prince des Humoristes, et plus comiquement Jean-Pierre Brisset Prince des Penseurs.

Les lecteurs de François Caradec savent qu’il fut l’un des collaborateurs les plus fidèles de Willy, et que nous lui devons de nombreuses aventures d’Henry Maugis. Ami de Paul-Jean Toulet, ils collaboreront tout deux sous le pseudonyme de Perdiccas (Le Bréviaire des courtisanes, Le Métier d’amant). Curnonsky, qui semble apprécier l’écriture à quatre mains, collaborera aussi avec J.-W. Bienstock (Le musée des erreurs ou Le français tel qu'on l'écrit, Le wagon des fumeurs, T.S.V.P., Le café Du Commerce, etc), il sera le nègre de l’impresario Charles Baret pour son livre de souvenirs sur les célèbres tournées théâtrales (Propos d’un homme qui a bien tourné).

Cur travaillera dans la publicité et donnera son nom de Bibendum au bonhomme Michelin, mais ce sont ses écrits sur la gastronomie et le tourisme qui lui apporteront la gloire, notamment une série de 28 guides La France gastronomique écrits une fois de plus en collaboration, cette fois avec Marcel Rouff, puis seul son célèbre Cuisine et vins de France.

Sailland avec le temps se mit à détester son pseudonyme latino-slave, ce cur non (pourquoi pas en latin) suivi d’une terminaison en hommage, dira t’il à E. Zola, à Dostoïevski, et qui lui vaudra de nombreux désagréments, lui si cocardier, passera régulièrement pour Russe ou Polonais. Dans ce volume de souvenirs écrit durant l’occupation, entre des considérations sur la grandeur de la France, le manque d’hygiène de ses habitants et les récriminations contre la vie cher, on retrouve les amis de Cur et notamment Gabriel de Lautrec l’auteur du magnifique Poèmes en Prose, dont il écrit qu’ « il y a là des pages (Louange de la Lune, entre autres) qui méritent de rester tant que l’on parlera et écrira en français », avis que je ne suis pas loin de partager. On y trouve aussi des anecdotes sur Jean de Tinan, P.-J. Toulet, des histoires et bons mots de Forain, Léon Daudet, une rencontre avec Zola, le tout avant une seconde partie consacrée à son « Retrait Breton » durant l’occupation. La troisième partie sur le mercantilisme et la supercherie dans les beaux-arts, comporte des anecdotes sur Cézanne, Ambroise Vollard ou le Douanier Rousseau, le volume se termine sur des « Propos de tourisme et de gastronomie ».

Maurice Ed. Sailland (dit Curnonsky) Cahiers d’un mercenaire de lettres. A Travers mon binocle. Albin Michel, 1948.

Deux volumes de souvenirs un peu décevant ne comportant pas de révélations fracassantes, rien sur le travail de nègre de l’un ou de l’autre, une atmosphère d’époque bien rendue pour Boulestin, de gentilles anecdotes superficielles pour Curnonsky, mais quelques « traces » tout de même.

A lire : François Caradec Willy Le père des Claudine (Fayard).

A suivre : http://www.curnonsky.com/

Curnonsky : Souvenirs Littéraires et Gastronomiques

Willy sur Livrenblog : Cyprien Godebski / Willy. Controverse autour de Wagner. Les Académisables : Willy. Une photo de Mina Schrader, esthéte et anarchiste. Willy, Lemice-Terrieux et le Yoghi. Romain Coolus présente quelques amis. Colette, Willy, Missy - Willy, Colette, Missy (bis). Le Chapeau de Willy par Georges Lecomte. Nos Musiciens par Willy et Brunelleschi. Nos Musiciens (suite) par Willy et Brunelleschi. Willy l'Ouvreuse & Lamoureux. Quand ils se battent : Willy et Julien Leclercq. Willy préface pour Solenière par Claudine. Léo Trézenik et son journal Lutèce. Jean de Tinan, Willy, petite revue de presse. En Bombe avec Willy. Maîtresse d'Esthètes par Papyrus. Quand les Violons sont partis d'Edouard Dubus par Willy. Le Jardin Fleuri. R. de Seyssau par Henry Gauthier-Villars. Willy fait de la publicité.



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