mercredi 5 septembre 2007

A. FRANCE : Rosny/Myron vu par Rosny/Servaise


Dans Le Termite - voir les épisodes précédents - Myron, l’un des personnages est un écrivain néo naturaliste sûr de lui, auteur des Emeutiers (Le Bilatéral ?), un livre pour lequel, lors d’une visite chez Fombreuse (Edmond de Goncourt), il reçoit félicitations et conseils des « Maîtres » et des jeunes naturalistes. Fombreuse d’accord avec Guadet (Alphonse Daudet), tout en trouvant son volume « très fort », lui reproche d’ « exagérer la description », l’utilisation de termes rares de science ou d’architecture, lui l’homme de l’écriture artiste, reproche à son suiveur l’abus d’écriture (« J’en arrive à me demander si je n’ai pas abusé de l’écriture, si le talent suprême ne serait pas d’écrire très simplement des choses très compliquées »). Rolla (Emile Zola) fera les mêmes reproches, « un très beau livre, vous abusez de la langue ». Myron obtient un grand succès avec les autres familiers du "Grenier d'Auteuil" : Gourvain (Frantz Jourdain), Bonnin (Paul Bonnetain ?), ou l’anglais Kidd (George Moore ?). Si Myron est bien Rosny lui-même, comme le croit Anatole France, il est doté d’une rare faculté de distanciation qui lui permet de se regarder et de se juger suivant l’effet qu’il produit sur les autres. Myron/Rosny est ainsi jugé par Servaise/Rosny. Le moins que l’on puisse dire est que le portait qu’il brosse de lui-même, ou plutôt que brosse Servaise, le narrateur, n’est pas très flatteur, il se présente, en effet, comme un jeune auteur sûr de son talent, prétentieux, dogmatique, toujours prêt pour un discours, batailleur, n’acceptant pas la critique. Il est rare qu’un auteur se présente sur des dehors aussi peu sympathiques. Anatole France dans le texte qui suit, rectifie le portrait et se montre moins sévère avec Rosny que Servaise ne l’est dans le roman.


Anatole France : Portraits littéraires. Echo de Paris Littéraire illustré. Dimanche 22 Mai 1892, 1ere année, N° 17

J. H. ROSNY


M. Rosny s’est lui-même mis en scène sous le nom de Myron.
Disputeur âpre, posé d’aplomb en face des vieux maîtres. Il apparaissait présomptueux autant qu’emphatique ressasseurs d’arguments, à la fois tolérant et opiniâtre. Il répugnait à Servaise par son style encombré, ses allures de prophète, par tous les points où une nature exubérante peut heurter une nature sobre et dénigreuse.
M. Rosny se connaît assez bien et se rend un compte assez juste de l’impression qu’il produit. Il est vrai qu’il argumente beaucoup et qu’il montre dans ces disputes intellectuelles le doux entêtement d’un Vaudois et d’un Camisard. Il a le front illuminé et paisible, et ce regard intérieur, ces lèvres fiévreuses que les artistes prêtent volontiers de nos jours aux martyrs de la pensée quand il représentent un Jean Huss ou un Savonarole conduit au bûcher.
Quoi qu’on en ait dit, M. Rosny n’a pas de vanité.
Il n’est point fier. Il ignore la superbe et même je dirai qu’il n’a point d’orgueil. Il ne s’admire pas ; mais il respecte infiniment la portion de sagesse divine que la nature a déposée en lui et, s’il est occupé de lui-même, c’est par vertu stoïque.
Ce qu’il y a d’admirable en lui, c’est la hauteur du sentiment, la liberté de l’esprit, la largeur des vues, l’illumination soudaine, la pénétration des caractères, et cette forte volonté d’être juste, qui fait de l’injustice même une vertu.


J.-H. Rosny dans Livrenblog : Vamireh, roman des temps préhistoriques de J. H. Rosny par Jules Renard. Biribi de Georges Darien par G. Albert Aurier et Rosny. Le Termite, roman de moeurs littéraire. Léon Bloy « catholique à la grosse tête » par J.-H. Rosny, "Catholique à la grosse tête" suite. J.-H. Rosny Revue Otrante. J.-H. Rosny : Les Âmes Perdues. Anarchie fin de siècle. Un article de Marcel Martinet sur J.-H. Rosny dans l'Effort Libre.


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