lundi 8 octobre 2007

Mauclair Mallarmé et les Ballets Russes


Camille Mauclair

Karsavina et Mallarmé

La création d’un art total, utilisant la danse, le théâtre, la poésie, la musique, les arts plastiques dans un même spectacle, les symbolistes en ont vus les prémisses dans les opéras de Wagner, ils tentèrent avec naïvetés et gaucheries d’en approcher avec le Théâtre d’Art de Paul Fort et avec l’Oeuvre de Lugné-Poe et Mauclair, ces tentatives n’ont alors obtenues du public et des critiques que moqueries et hués. Camille Mauclair, dans un article intitulé Karsavina et Mallarmé repris dans Les Héros de l’orchestre en 1919, considèrent que la réalisation du rêve de la fusion des arts a été réalisé par les Ballets Russes, mieux, il voit dans le spectacle de Bakst, Karsavina et Nijinsky la réalisation des idées de son maître Mallarmé « tout ce qui constitue l’armature secrète de cette féerie incomparable a été annoncé par lui », « Lui seul, […] avait composé mentalement ce spectacle de rêve, auprès duquel la fusion wagnérienne elle-même n’est qu’une gaucherie barbare […] Qu’on relise Pages, et on y trouvera la conception précise de la décoration scénique de Bakst, cette correspondance subtile de la symphonie colorée à la symphonie orchestrale : la conception, aussi, d’une action lyrique toute entière consacrée à la peinture d’un mouvement de l’âme, comme l’est le Spectre de la Rose ; la conception, enfin, de la Féerie idéologique du Spectacle oubliant la vie et inventant un monde nouveau. » Au-delà de l’art total, Mauclair, voit dans les Ballets Russes la réalisation du rêve symboliste, un spectacle mettant en scène les sensations de l’âme, la création d’un monde hors de la vie.
Mauclair s’est montré un adversaire violent des tentatives nouvelles en art, Fauvisme, Cubisme ou Futurisme. Il le rappelle ici : « Que sont les fameuses « hardiesses » dont nos fauves et nos cubistes font l’honorable pseudonyme de leurs petites horreurs, auprès des décors d’un Bakst qui oublie éperdument le vraisemblable », à une époque où Satie, Picasso et Cocteau monte Parade (1917), où Edouard et Louise Autant-Lara, créent Art et Liberté puis Art et Action "laboratoire de théâtre pour l'affirmation et la défense d'oeuvres modernes" mettant en scène, notamment, Couleurs du Temps (1919) d’Apollinaire dans des décors de Vlaminck, où Les Ballets Suédois de Rolf de Maré vont arriver, en 1920, au théâtre des Champs-Elysées, mettant scène La Création du Monde de Cendrars dans des décors de Fernand Léger, avec une musique de Darius Milhaud, mais aussi des livrets de Cocteau, ou Picabia, des musiques de Satie, Poulenc ou Auric, dans une époque donc, où les artistes les plus modernes de la poésie, de la musique et de la danse révolutionnent l’art du ballet pour en faire un art total, Mauclair, se réfugie dans sa jeunesse, s’arc-boute sur des conceptions esthétiques figées et ne veut voir qu’une « Farce » dans l’art moderne, ajoutant à son refus de la nouveauté une idéologie raciste et xénophobe (1).
Mauclair comprend bien qu’ils furent, lui et ses amis les précurseurs de ces transformations, mais sa lecture reste celle d’un symboliste de 1890. La démonstration faisant du symbolisme la source des transformations qui feront que « tôt ou tard, c’en sera fini de notre malheureuse chorégraphie, […] autant que de notre décor […] », semble tout à fait juste, en effet si le décor n’est plus « fait, non pour rebâtir avec du carton la vraie vie, mais pour en créer une qui, supérieure, la fasse oublier » si la danse est désormais « faite pour animer des idées et des sentiments et donner son plus haut sens au chiffre mystérieux qu’est le corps humain » c’est un peu grâce aux jeunes symbolistes des années 1890, qui en avaient rêvés. Mauclair s’empare de la figure et de la pensée de Mallarmé pour défendre ses propres idées esthétiques, rétrécissant le message du symbolisme à un refus du monde réel, ne comprenant l’artiste que dans sa célèbre « tour d’ivoire » créant un monde nouveau et féerique.
Pour en finir avec cet article il faut encore signaler le beau portrait de Mallarmé qui y est tracé, « un petit homme grisonnant, à la barbe courte et pointue, aux oreilles faunesques, au nez impérieux, une face qu’on eut dite sensuelle s’il elle n’avait été idéalisée par deux magnifiques yeux veloutés et pleins de rêves, deux yeux de caprice et de génie. ». Son vieux maître, Mauclair « le sentait là » lors des représentations « et tout ce qui se déroulait sur la scène avait été prévu dans son cerveau. »


(1) Mauclair (Camille) : La Farce de l’art vivant. La Nouvelle Revue Critique


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