jeudi 31 janvier 2008

Jossot a son site

L'Assiette au Beurre. CRA. N° 59, 1902

Jossot, l'illustrateur, original, percutant, libertaire, décapant. Jossot au graphisme unique, révolutionnaire dans la forme, est aussi le comtempteur de tous les pouvoirs, celui des prêtres, des magistrats, des militaires, de la police.

L'Assiette au Beurre. Passementerie. N° 102, 1903

Jossot (1864-1951) a son site Goutte à Goutte, réalisé par Henry Viltard, on y découvre le caricaturiste, l'affichiste, l'aquarelliste, le peintre et l'écrivain. Il faut visiter cette belle réalisation.

Un petit dessin, agrandi par nos soins, trouvé dans La Plume N° 326, du 15 novembre 1902, peut-être en existe-t'il dautres, essaimés dans la revue, la taille de publication de celui-ci ne permet pas de lire la signature avant agrandissement.

Opinions sur Gauguin, 7e livraison : Antoine de La Rochefoucauld


Opinions sur Gauguin, 7e livraison : Antoine de La Rochefoucauld


M. Antoine de La Rochefoucauld.


J’estime que Paul Gauguin fut un noble et valeureux artiste, un de ceux dont l’œuvre « restera » et s’imposera pleinement à l’admiration de nos descendances/ - En notre temps de contrefaçon universelle, de fausse science surtout, il fut l’artiste que la Providence désigna pour exprimer quelques-unes d’entre les vérités immuables. Il sut dire dans un langage pictural, parfois rude, mais toujours exempt de dissimulation, que l’art est étroitement uni ç l’Idée, qu’une œuvre n’est belle que si elle reflète l’âme du peintre qui la conçut et l’âme de la Nature qui servit simplement de prétexte. Par ses toiles, d’essentielle ordonnance décorative, exécutées sans nul souci d’imitation, il montra l’inanité de toute objective recherche. – Nous devons être reconnaissant à Paul Gauguin d’avoir entamé le bon combat à une époque où beaucoup d’excellents esprits s’embourbaient encore dans les ultimes turpitudes du Naturalisme. Nous devons lui savoir gré et de ses tâtonnements du début et des exagérations voulues de la période où son talent parvint à l’apogée. Les uns comme les autres nous ramenèrent dans la voie droite et nous enseignèrent les choses qu’il fallait détester et combattre ; celles, au contraire, qu’il fallait admirer sans réserves. – Voici les principales raisons pour lesquelles j’apprécie la haute valeur de Paul Gauguin et de son œuvre :
1° Celle-ci m’apprit définitivement à ne plus m’intéresser aux niaiseries, aux roublardises des ‘officiels », gibiers faisandés d’Institut qui encombre les salons à jury et y font foi.
2° Gauguin osa, l’un des premiers, la « déformations » et méprisa la science de l’anatomie, les très discutables axiômes (sic) de la perspective ; par ses hardiesses de dessin, il discrédita quelque peu les illusoires « canons » professés dans les Académies où à la sinistre officine de la rue Bonaparte.
3° Ses décorations me firent comprendre davantage le génie des Maîtres qui l’avaient précédé. Descendant de nos grands ornemanistes des douzième et treizième siècles, il tenta de ramener notre art national à ses sources, en le débarrassant des funestes apports de la Renaissance italienne. Ainsi il demeure un artiste de la plus pure tradition ; et, pour ce motif, il a droit à la gratitude de ceux qui aiment avant tout la Patrie dans les manifestations de sa pensée. – Je m’abstiendrai d’analyser ici la doctrine de Paul Gauguin. Des littérateurs d’art, des amis qui partagèrent, en Bretagne, la vie du Maître, se sont exprimés à ce sujet avec toute la compétence désirable. Inutile donc de pasticher les lignes si parfaitement documentées qui furent écrites par un Aurier, un Octave Mirbeau, un Charles Morice, et, dernièrement, par M. Armand Seguin.
L’influence de Gauguin ne s’exerça, il me semble, que sur de rares artistes qui eurent l’intelligence d’unir leurs efforts aux siens, au lieu de céder, comme tant d’autres, au sentiment, contemporain par excellence, de la jalousie. Pour que son autorité se répandit au dehors, il eût été auparavant indispensable que la mentalité de l’homme moderne subit l’intégrale transformation, qu’il apprît à discerner le beau du laid, le noble du vulgaire, et surtout à repousser en bloc les insanes élucubrations d’un « Modern style » d’outre-Manche, de pacotille et de bazar. Mais quel sera ce critique d’art doué d’assez de clairvoyance, suffisamment indépendant, qui perfectionnera l’éducation de certain public, au point que celui-ci ne prendra plus les Grands et Petit Palais pour d’admirables bâtisses, les gares du Métro pour d’élégants chefs-d’œuvre d’originalité, Rodin pour un statuaire, MM. de la Gandara et Zuloaga pour des peintres, M. Besnard pour un coloriste, Lévy-Dhurmer et Cottet pour des stylistes, Henri Martin pour le continuateur du regretté Seurat et le successeur désigné de Puvis de Chavannes ?
Dans l’œuvre de Gauguin, les toiles qui me paraissent les plus fécondes en enseignements et les plus radieuses en beauté sont celles qu’il exécuta à la Martinique et en Bretagne : la Belle Angèle, la Vision mystique (lutte de l’ange), les Calvaires, Bonjour, M. Gauguin, demeurent inoubliables ; aussi certaine effigie d’Emile Schuffenecker entouré des siens.
L’homme chez Gauguin, sut égaler l’artiste ; celui-là ne s’abaissa jamais aux transactions infamantes. Il eut le grand mérite de suivre jusqu’à la fin la voie du symbolisme qu’il avait découverte, et n’abandonna point, comme quelques autres le firent, soit par découragement, soit par des motifs d’ordre simplement matériel, la cause artistique à laquelle il avait sacrifié si généreusement ses forces. Son exil volontaire en un coin d’île située aux antipodes du « monde civilisé » montre en quel dédain il tenait une société n’ayant d’autre idéal que le lucre, la gloriole, les sports imbéciles ou meurtriers.
J’aime à croire que certaines œuvres de Gauguin ne tarderont pas à figurer au Luxembourg, en bonne place, non moins de celles de Claude Monet, de Pissarro, de Renoir, d’Edouard Manet dont il sut interpréter jadis la sublime Olympia… ceci, en attendant que, d’ici une dizaine d’années, le Louvre s’honore par l’offre de ses cimaises… Mais quelle révolution, quel chambardement pour arriver à un tel résultat !
Je l’appelle de tous mes vœux, l’Homme de pure race, le Vengeur des talents persiflés, le Dictateur intellectuel qui nous débarrassera des mercantis du pinceau, des fausses renommées ; qui aura la belle audace de supprimer les Instituts, de cadenasser les Académies, d’abolir les jurys malfaisants, de mettre enfin un terme aux ignorantes routines et à la néfaste bêtise des gratte-papier de la direction des Beaux-Arts.



Antoine de La Rochefoucauld (1862-1959) fut l’un des fondateurs et le mécène du Salon de la Rose Croix en 1891. Il sera proche de Filiger à qui il versera une rente durant quelques temps, avec Jules Bois, La Rochefoucauld fondera la revue Le Cœur. Grand collectionneur il soutiendra l’Ecole de Pont-Aven et achètera de nombreux tableaux de ses membres.


mardi 29 janvier 2008

Stuart Merrill exécute Saint-Georges de Bouhélier

Nous avons vu dans un billet précédent la colère de Stuart Merrill, suscitée par un article d'Eugène Montfort, où le jeune Naturiste affirmait que les dernières productions de Merrill, avaient été écrites sous l'influence de Saint-Georges de Bouhélier. Après avoir répondu à Montfort, il était "urgent de se défendre et de remettre à sa place un si encombrant personnage."


Les Chants de la Vie ardente
de Saint-Georges de Bouhélier
par Stuart Merrill


Si Les chants de la Vie ardente étaient signés d’un nom inconnu, je me contenterais d’en citer quelques belles pièces – celles que je citerais tout à l’heure – et pour le reste, j’inviterais l’auteur à rester égal à lui-même, à écrire moins vite et à mieux ordonner ses pensées et ses images. Mais ils sont signés par M. Saint-Georges de Bouhélier, et ils sont précédés d’une préface qui indispose les plus indulgents. M. de Bouhélier y prend son ton habituel de M. Prudhomme à Pathmos. Après des phrases vagues et vides, il parle – s’en étonnera-t’on ? – de lui-même, et je n’étonnerais encore personne en disant qu’il en parle avec bienveillance. « J’offre au public ces Chants que j’ai conscience d’avoir perfectionnés avec une patience sans faiblesse et sans défaut. » Il est vrai que l’effet de cette phrase est heureusement atténué par les suivantes : « Ainsi je me suis acquitté de mon labeur le plus honnêtement possible. Je ne demande qu’à être compté comme un franc et probe ouvrier qui essaie de faire sa tâche. »
Que M. de Bouhélier soit franc et probe, personne ne s’est permis d’en douter. Il est même sympathique par de très grandes qualités. Il semble de ces natures à la fois timides et violentes qui vont de l’excès de la confiance à celui du désespoir. Il devrait ce voir tel qu’il est : une jeune homme de belles ambitions et d’incontestable talent, dont l’œuvre ne répond pas à ses secrets désirs. Je lui fait l’honneur de ne pas le croire aussi satisfait de lui-même qu’il le prétend.
Après beaucoup de travail – et le travail ne consiste pas à noircir beaucoup de pages – il arrivera peu à peu à posséder son métier, et à enrichir sa pensée. Mais je me méfie, je l’avoue, de ceux qui repoussent la critique, comme M. de Bouhélier repoussa celle de M. André Gide. Celui-ci serait le premier à porter aux nues un véritable chef-d’œuvre de M. de Bouhélier. Nous l’attendons, et notre impatience ne vient que des coups de trompette dont M. de Bouhélier annonce la chute prochaine de la Jéricho symboliste.
M. de Bouhélier, puisqu’il me faut enfin parler des Chants de la Vie ardente, écrit avec la maladresse d’un collégien qui en est a ses premiers essais. On le sent gêné par les règles élémentaires de la versification. Il se contente de l’à-peu-près du sens, pourvu que le nombre de syllabes y soit. Je cite au hasard quelques-uns de ces vers pénibles qui fourmillent dans le volume :

Alors chargé de joie, enfantant ton amante
Avec la volupté…

En prose, M. de Bouhélier aurait dit avec volupté. Et, à moins de le supposer coupable de visées incestueuses ne faut-il pas supposer que par enfantant ton amante (et encore une femme seule peut-elle enfanter) il essaie de dire : fécondant ton amante ?

As-tu peur ? Que veux-tu ? La terre avec ses pôles
Circule comme un bloc.

J’ignorais que la particularité des blocs fût de circuler et j’ignorais également que la terre pût circuler sans ses pôles :

Car l’homme est périssable et même ses envies
Ont la fugacité.

Quelle langue ! Dit-on : ce cheval a la célérité ?

Quand je te presserai sur ma poitrine avide
Avec un feu brûlant…


Presser sur sa poitrine avec un feu ! Et avec un feu brûlant ! Que serait-ce avec un feu non brûlant ?

Et pâles, nous ferons de grands rêves énormes.

Même question. Que seraient de petits rêves énormes ?
Mais voici, à mon avis, le plus réjouissant de ces passages que rougirait de signer un collégien de quinze ans. Tout s’y trouve : le pathos, l’incohérence, la solennité prudhommesque et la chute d’un comique inconscient :

Voici ce que je dis, moi qui parle en ces lieux
Avec ma calme voix :
Autour de toute chose étincellent les lois :
Elles flottent sans cesse et toujours je les vois
Et leur groupe m’enivre.

Pourquoi continuer ces citations que je pourrais prolonger indéfiniment sans profit pour le lecteur, ni, hélas ! pour M. de Bouhélier ?
Relevons toutefois quelques incohérences d’images :

Sache-le, tu bâtis, sainte et spirituelle,
Ta maison dans le vent.
Toute blanche, elle est faite avec un bloc puissant
Non de plâtre et de chaux, mais de chair et de sang
Et de vie éternelle.


Vous figurez-vous un bloc (mot que M. de Bouhélier affectionne), un bloc puissant de chair, un bloc puissant de sang, un bloc puissant de vie éternelle ?
Au sujet d’un fruit M. de Bouhélier écrit :

La pluie éparse le lave
En retentissant sur lui,
Et la foudre d’or y grave
Son empreinte avec son bruit.


J’avoue n’avoir jamais vu de fruit gravé du bruit de la foudre.
Voici qui est mieux :

Sur la branche grise
De l’arbre qu’on voit
L’oiseau rivalise
Avec votre voix.

Et voici, surprise,
La lune en le bois
Qui le féerie,
L’absorbe et le boit.


Cet oiseau bu par la lune me laisse rêveur.
Il y a d’autres choses étranges dans la physique de M. de Bouhélier, comme :

La mer avec le sel sur ses eaux se couchant.

Mais je suis vraiment las de relever tant d'incohérences, d’absurdités et de non-sens. M. de Bouhélier, s’il a l’esprit brouillé, respecte-t-il au moins le sens des mots ? Hélas !
Non. Prenons pour unique exemple le verbe pétrir. On ne pétrit u’une matière molle. Cela n’empêche pas notre poète d’écrire :

Comme un sculpteur pétrit de son marteau sonore.

Ou bien :

Crois-tu pétrir la pierre et la terre physique ?

Ou enfin :

Comme un marbre est pétri par le tour bondissant.

Vous croyez sans doute que lorsqu’il aura l’occasion de se servir du verbe pétrir dans son sens propre, il en profitera ? Erreur. Il écrira :

Qui que tu sois, enfin, sculpteur taillant l’argile.

Quant au vocabulaire de M. de Bouhélier, il est d’une incomparable pauvreté. Ses épithètes sont veules, flasques, éculées. Le plus souvent de charmant, horrible, terrible, farouche. D’autres mots semblent le hanter ; il les place au hasard, sans souci du sens. Ainsi, pour M. de Bouhélier, tout paraît fumant. J’ai compté que dans son œuvre l’air, les étoiles, les ombres, la nuit, la mer, les arbres et même les fruits étaient fumants !
J’ai déjà cité deux vers où revenait le mot bloc. Continuons.

Que l’astre en bondissant s’éteigne et tourbillonne
Comme un bloc refroidi.

Imitant dans ce bloc tous les dieux.

Le bloc qui parait mort, il faut d’un œil avide
Le percer constamment.

O sculpteur, hors du bloc amassé grain à grain.

Comme deux blocs de feu nos destins étrangers.

Je veux te mutiler tel un bloc de paros.

Hors du bloc où dormaient tes splendeurs éternelles.
Mais le bloc où j’ai mis ta forme auguste est tel.

Les blocs sont travaillés d’un monstrueux effort.

Je développerai la rythmique paroi
Faite du bloc sacré que nul ne peut dissoudre.

Chants construits dans ces blocs en stances cadencées.

Sous le bloc épaissi j'ai vu le diamant.


J’épargne au lecteur les résultat d’un travail identique auquel je me suis livré sur d’autres mots. Il me faudrait d’ailleurs deux pages de cette revue pour relever les vers où reviennent les mots foudre et tonnerre. M. de Bouhélier est le Jupiter tonnant de la poésie. Il tonne à chaque page. Mais il ne s’étonne jamais. Il va jusqu’à écrire ce vers :

Dans la tranquille maison aux murailles qui tonnent.

Que serait donc une maison peu tranquille, au sens de M. de Bouhélier ?
On pourrait croire que je m’acharne sur M. de Bouhélier. Au contraire, je l’épargne. Je pourrais citer des vers ridicules par douzaines. Je m’en abstiens. Qu’un exemple me suddise, car si je me tais, on m’accusera d’insinuer sans prouver. Ecoutez M. de Bouhélier s’adresser ce petit discours :

Tu trembles tout entier du désir qui te prend
Comme si tu portais une goutte de sang
De lion dans les veines.

Plus loin le viscère du poète charrie le sang d’un autre animal :

Car mon sang est chargé d’un sang noir de taureau.


Je cite enfin cette courte pièce, que je recommande de réciter avec la voix d’Ubu.

Cri d’amour

Amassez, amassez des voiles sur vos seins,
Sur vos hanches et sur vos bras aux fiers dessins,
Sur tout votre être enfin ! Car vous êtes trop belle !
Car je vous aimerais d’une ardeur éternelle !
Car je ne saurais plus que tourner mes regards
Vers vous, émerveillé et les esprits hagards !


J’ai achevé ma désagréable tâche de dire du mal d’un jeune confrère, que sa suffisance seule expose à l’attaque. Car enfin, quand M. de Bouhélier laisse affirmer que l’évolution de la littérature française aboutit à sa personne (1), il est désagréable de passer pour un imbécile en se prêtant à son jeu par le silence ; et lorsqu’un de ses deux disciples prétend que c’est sous son influence que nous avons écrit nos derniers livres, il est urgent de se défendre et de remettre à sa place un si encombrant personnage.
D’ailleurs j’essaie d’être juste. J’étonnerai M. de Bouhélier en lui disant que son plus cruel critique, ce n’est pas moi, c’est lui-même. C’est à lui-même que je l’ai comparé quand je l’ai trouvé en défaut. Et ce m’est un grand plaisir de citer quelques pièces qui valent par leur forme autant que par leur sentiment, et qui sont dignes du grand poète auquel sont dédiés Les Chants de la Vie ardente, M. Léon Dierx.

Paysage

Dans l’herbe étincelante elles se sont assises,
Formant un calme groupe au milieu du gazon.
Et le jour par degrés peu à peu vaporise
Leur aspect, la prairie et le vague horizon.
Elles vont disparaître et l’air les décolore,
Et leurs voiles pâlis palpitent dans le vent…
Elles se lèveront pour danser dans l’aurore,
Tandis que vole au loin la planète d’argent.

Tristesse

Hélas ! que j’ai de peine
Et de misère aussi !
Ma poitrine en est pleine,
Et nul n’en a souci.

Sans regret et sans haine
Cependant me voici,
Je crie à perdre haleine
Et d’ennui suis transi.

Qui me rendra l’aurore,
Et le ciel du matin,
Et sa douceur encore ?

Quand reviendront vos grâces,
Instants, instants éteints
Dont je cherche les traces ?


Retour en arrière

Le petit parc autour de l’antique maison,
L’herbe humide, et l’odeur du buis, le liseron
Dont le feuillage étroit tapisse encor les tuiles,
Les bosquets vaporeux, le gazon, les charmilles,
Et dans ce calme endroit les saisons tour à tour.
Le printemps teint de fleurs, l’été chargé de jour,
Le triste automne avec sa plainte désolée,
Et l’hiver à la fin ravageant la vallée :
O pays ! O tristesse ! O passé ! temps qui fuit !
Ce sont vos souvenirs que traîne mon ennui !


Voilà les accents d’un vrai poète. C’est pour ce poète, espérant le sauver de l’adulation de deux ou trois de ses compagnons d’âge, que je traduis ces paroles de Gabriel d’Annunzio parlant de quelques jeunes littérateurs italiens (2) :

« Par malheur à ces écrivains manquait et manque encore l’instrument principal de l’art littéraire : la maîtrise de la langue. Et pour cela leurs œuvres, même quand elles portent l’empreinte d’un génie non vulgaire, n’ont qu’une vitalité éphémère et ne peuvent entrer dans le domaine absolu de l’art. Elles ne peuvent être considérées que comme des tentatives plus ou moins spontanées de forces créatrices à qui font défaut les moyens d’expression. »

Stuart Merrill.


(1) Lire le programme du Collège d’Esthétique.
(2) Conversation rapportée par M. Ugo Ojetti dans son livre, Alla Scoperta dei Letterati (Fratelli Trèves, Milan)


Extrait d’une chronique de Stuart Merrill dans la La Plume du 15 septembre 1902, N° 322.


Saint-Georges de Bouhélier et le Naturisme sur Livrenblog : Albert Fleury. Un poète Naturiste

Opinions sur Gauguin 6e livraison Charles Guérin

Opinions sur Gauguin; 6e livraison : Charles Guérin


M. Charles Guérin
(peintre)


Si, comme l’a dit Nicolas Poussin en ses réflexions et conseils, la peinture n’a pour but que délectation et joie des yeux – et pour moi je crois qu’elle n’en a point d’autre – Paul Gauguin qui vient de mourir est un très grand peintre.
Ceux qui s’hypnotisent avec ce mot « la Vie », sans du reste en comprendre le véritable sens, ainsi que ceux qui veulent que nos tableaux racontent, enseignent ou moralisent, ignoreront toujours l’art de Gauguin qui n’est autre que d’un faiseur d’images et décorateur des murailles.
Paul Gauguin fut un artiste de tradition, « jetant la forme dans le creuset des formes », composant et colorant à sa fantaisie, suivant des lois préconçues, fabriquée par lui pour son usage, ainsi que cela s’est toujours et dans tous les pays pratiqué par ceux que, de nos jours, nous appelons des Maîtres et que nous ne savons plus comprendre.


Charles Guérin


lundi 28 janvier 2008

Stuart Merrill et les Naturistes

Extrait d’une chronique de Stuart Merrill dans la La Plume du 15 septembre 1902, N° 322.



J'ai choisi aujourd'hui de donner un extrait de cette chronique, la réponse à un article d'Eugène Montfort, car il s'y joue et s'y dévoile une stratégie littéraire ; la tentative de prise en main de la jeune génération poétique post-symboliste par Saint-Georges de Bouhélier le chef de l’école Naturiste et la contre-attaque de la génération précedente, par la plume de l'un de ses plus glorieux représentants. On peut voir dans cet article une défense du bilan et de l’actualité du Symbolisme et de ses membres. Stuart Merrill ne se voulant pas uniquement le porte-parole ou le représentant d'une chapelle, et d'une génération, y prend aussi la défense de certains « jeunes » oubliés par Montfort et rappelle l’indépendance des autres, trop vite « embrigadés » sous la bannière Naturiste. Pour rester dans une terminologie guerrière qui sied si bien à ce type de polémique, on peut dire que Merrill y délimite les positions de chacun, compte les troupes des uns et des autres et s'emploie au pilonnage des deux généraux adverses.

L'article dans son entier commence par une colère contre René Doumic, le «vampire » de la Revue des Deux Mondes, puis à l’occasion d’un article d’Emmanuel Des Essarts, souligne l’admiration des poètes Symbolistes pour certain Parnassiens : Villiers de l’Isle-Adam, Verlaine, Mallarmé, Léon Dierx et Heredia, il rappelle que les Symbolistes ne furent « quelques peu Caraïbes que pour Armand Silvestre, qui oublia sur le tard qu’il avait été poète, et pour M. François Coppée, qui le fut si peu qu’il n’eut rien à oublier. » Après notre extrait, la chronique continue par la critique du livre d’André Beaunier La Poésie nouvelle, « le meilleur livre qui ait paru jusqu’ici sur les théories, les œuvres et les hommes du Symbolisme », mais Merrill n'en ayant pas fini avec le Naturisme, c'est par un féroce décorticage des Chants de la Vie ardente de Saint-Georges de Bouhélier, qu'il termine son article. Je donnerais cette réjouissante dernière partie dans un prochain billet.

« Passons maintenant de la génération qui nous précède à celle qui nous suit. M. Eugène Montfort, dans un article très documenté, sonne l’appel des jeunes. Je ne puis qu’applaudir franchement à presque tous les noms qu’il cite, tout en lui reprochant d’oublier d’une manière trop scandaleuse MM. Georges Pioch, bon poète et ardent polémiste, dont le seul tort a été d’échapper à la tutelle des Naturistes, Charles Guérin, qu’il n’est plus permis d’ignorer, même pour des raisons de cénacle, après ce livre admirable, Le Semeur de Cendres, enfin Francis Jammes qui seul, à l’heure actuelle, aurait le droit de revendiquer la qualification de naturiste. Mais ceux-là, n’est-ce pas, il était plus commode de les oublier ?
Car l’intention secrète, quoique mal dissimulée, de M. Eugène Montfort, c’est de grouper tous les écrivains indépendants, de M. Maurice Magre à M. Paul Souchon, de M. Jean Vignaud à M. Joachim Gasquet, de M. Jean Viollis à Edmond Pilon, sous la houlette de l’archi-Naturiste que l’on sait. M. Eugène Montfort (je le dit sans intention offensante) est le chien de ce berger sans brebis qu’est M. Saint-Georges de Bouhélier.
Et M. Eugène Montfort, dans son zèle un peu ahuri, ne se contente pas d’essayer d’induire dans la bergerie vide tous les jeunes de France, de Navarre et de Belgique, il tente encore d’y pousser sournoisement les Symbolistes les plus récalcitrants. Voici ce qu’il ose écrire ; « Quiconque, en effet, observe le mouvement de la poésie française, a remarqué que, dans ces dernières années, chaque poète de l’âge symboliste avait adopté une manière nouvelle. On comprend maintenant sous quelle influence. » Cette phrase-là j’avoue que je l’attendais depuis longtemps, et le plus doux sourire m’a secoué en voyant M. Engène Montfort affirmer que MM. Francis Vielé-Griffin, Francis Jammes, Emile Verhaeren, Saint-Pol-Roux, Adophe Retté et moi (pour ne citer que les plus naturisants des Symbolistes) avions attendu l’évangile de M. Saint-Georges de Bouhélier pour changer notre manière.
Les dates de nos livres sont heureusement vérifiables par tout le monde et suffisent à réfuter les impudentes prétentions des Naturistes, avec lesquels nous nous gardons de confondre toute une génération de poètes ardents et studieux que nous ne songeons pas, nous, à faire marcher sous une férule et une étiquette. Au contraire, nous n’avons cessé de proclamer les bienfaits de l’anarchie en littérature. Chacun pour soi et tous pour la Beauté !
Ce que je ne cesse de demander aux Naturistes, c’est de formuler leurs doctrines. Ils en sont incapables. M. Eugène Montfort cite bien de M. Louis Lumet, qui n’en peut mais, des phrases lyriques et sonores : « Toute une divine jeunesse se lève, courageuse et blanche, et la voici partie d’une marche intrépide, à la conquête des sûres moissons… » De M. André Ruyters, qui est aussi bon poète que mauvais théoricien, il cite ceci : « La vie nous est le plus ineffable des bienfaits. Il faut que sa douce splendeur éclate enfin par les livres ! Trop longtemps sommeilla en nous et s’étiola le salutaire instinct ; répudions les factices critères mentaux ( !!!)… » On croit entendre les tararaboum-dié, les tambourins et les cornets à pistons des réunions de l’Armée du Salut. Que signifient ces phrases ? Rien, absolument rien. Des mots ! des mots ! des mots !
M. Eugène Montfort renchérit : « Toute cette jeunesse qui se jetait dans la vie était folle de sa puissance, de son génie, de sa passion. Elle se sentait touchée par le doigt d’un Dieu. On était ivre d’avoir vingt ans… Cette jeunesse était illuminée. »
Je me permets de constater que cette ivresse, cette illumination, et même le doigt d’un Dieu n’ont pas fait perdre le sens pratique des choses à M. de Bouhélier et à ses amis. De bonne heure, de Bouhélier s’est glissé dans la presse. Du Figaro même, il a lancé l’odieuse accusation que les Symbolistes avaient méprisé Victor Hugo. Il a montré une adresse singulière à racoler les Muses populaires à la suite de M. Gustave Charpentier. Je ne sache pas qu’il ait manqué une occasion de se vanter ni de se mettre en avant dans les cérémonies publiques.
Quant à M. Eugène Montfort, il n’est ni trop ivre, ni trop illuminé, ni trop touché du doigt d’un Dieu pour ne pas faire en passant un brin de réclame à M. Louis Lamarque, que je soupçonne fort d’être son meilleur ami : « Louis Lamarque s’est fait connaître dernièrement, on s’en souvient, par la publication d’Un An de Caserne que tout récemment encore, au Sénat, dans la discussion du service de deux ans, M. de Lamarzelle citait. »
Ma foi, il y a quelques années, M. Georges Bonnamour eut les honneurs d’une interpellation à la Chambre, à propos d’un roman jugé trop licencieux. Le titre du roman ? Personne ne s'en souvient.
Néanmoins, je ne fais pas un crime à M. Eugène Montfort de s’intéresser à son ami M. Louis Lamarque, dont le livre est excellent. Mais l’omission de certains noms dans son article, l’importance exagérée donnée à d’autres me font croire que le doigt d’un Dieu est simplement ce gros doigt qui indique les occasions dans les bazars, le doigt de la réclame. »

Saint-Georges de Bouhélier
par Van Dongen

Les Chants de la Vie ardente de Saint-Georges de Bouhélier par Stuart Merrill

vendredi 25 janvier 2008

Opinions sur Gauguin 5e livraison Gustave Geffroy

Opinions sur Gauguin, 5e livraison : Gustave Geffroy.


M. Gustave Geffroy

Charles Morice a dit, d’une admiration qui comprend et explique, le charme, la force, la signification de l’œuvre de Paul Gauguin. Tous les examens et toutes les critiques n’empêcheraient pas, d’ailleurs, cette œuvre d’avoir pour toujours son existence, maintenant que l’ouvrier est mort. On aperçoit distinctement, par les formes âpres et les couleurs violentes et subtiles, le combat qui fut en Gauguin pour oublier l’art acquis et retrouver la nature. Il fut souvent, comme tous les artistes, le tributaire du passé, mais il fut aussi le victorieux à la vision directe, et qui saisit sa proie. Il faut souhaiter qu’une exposition de ses œuvres permette à nouveau l’étude et l’essai de définition. On verra alors de quel grand effort de décoration, par le vitrail, la tapisserie, la sculpture, - et la peinture, Gauguin était capable. Il importe peu que cet effort n’ait pas été pleinement réalisé. L’inachevé peut avoir la beauté suprême de la vie.
G. Geffroy.
Charles Morice, Mercure de France, N° 167, novembre 1903. Eugène Carrière - Jean Dolent - P. Durio - Fagus - Charles Guérin - Antoine de Antoine de La Rochefoucauld - Camille Lemmonnier - Maximilien Luce - A. Mithouard. G. Prunier. O. Redon OPINIONS SUR GAUGUIN - Charles MORICE Fin

De Gustave Geffroy sur Livrenblog : Préface à Fin d'oeuvre de Maurice Rollinat, en deux partie (I) (II)

jeudi 24 janvier 2008

Les « IBELS» Artistic’s et littéraires

Avec Georges-Michel rendons visite aux frères Ibels, à la terrasse du Napolitain, attention aux gifles.


Masques Parisiens
Les « IBELS» Artistic’s et littéraires. (I)



A 7 heures, tous les soirs, au Nap, disputes
variées, menaces de gifles et apéros.


Les deux Frères Siamois, mais deux Siamois qui se tournent le dos, de sorte qu’ils s’envoient souvent quelques ruades.
André Ibels, avec un point sur le grand I et H. G. (prononcez Mercure) Ibels.
L’un démasque les parades et l’autre les dessine.
La fine mouche, à la fine moustache et aux fines mouches : « Si je me bats avec un tel (1), je lui mets six pouces : à trois on ne meurt pas. » Ce qui fait croire qu’il est méchant. Il plisse son œil noir et avale une lampée. La glace en face de lui. C’est vrai, au fond, ces trois mois de collaboration comme S. dela Rédac. Avec L… l’ont assommé au point de le rendre presque antisémite, quoique L… ne soit pas juif.
Il frappe la table et se lève… Où court-il ?
Parfaitement, casser la g… à un tel ; on se lève aussi, on le calme ; son frère, qui est habitué, sourit de sa bonne face rasée de nurse anglaise et ne le suit qu’à cause de la membrane. On demande un Doyen.
Mais ne nous moquons pas trop.
André a quelques douzaines de coups d’épée aussi bien à son passif qu’à son crédit, à son passé qu’à son actif. Mercure, lui, le tape de cigarettes. Et l’autre lui en donne plutôt deux qu’une, assurant « qu’il a du pain sur la planche ».
Mercure s’en fout… Mercure est dégoûté.
« … Sert à rien d’être un artiste consciencieux… Tiens… la moindre chemise de Môôssieu Decourcelle est payée cent francs, il a dix-huit chââteaux., des automobiles, et vingt-cinq larbins… un cââbôôôt… ça voyage en wagon spécial… ça gagne vingt-cinq mille francs si ça n’a pas de talent, et cinquante mille si ça en a un peu… dégoûté… vais prendre une place d’employé à cent cinquante francs et ne ferai plus rien… ce sera bien fait… là. Garçon ! quelque chose… »
- Boum !
Il est très bien avec Antoine et André est très mal. C’est très difficile pour les entrevues.
Font des pièces d’une main et se fichent des coups de l’autre, les deux frères.
Encore une fois, on demande un Doyen.
Mais où sera leur curiosité, après ?
Ils ne font faire leurs vêtements qu’au Bon Marché !


Georges-Michel


(1) Jules L….
(I) La Plume 15 septembre 1902, N° 326.

Pour approfondir un peu ce méchant portrait tout en surface, voir : sur Livrenblog H.-G. Ibels et la Revue Méridionale, et sur Les Féeries Intérieures Un Sonnet d’André Ibels.

Opinions sur Gauguin 4e livraison FAGUS


M. Fagus

Ce surgeon maudit des vieilles races étouffées harassa ses sèves à se débattre contre notre civilisation pour se dépêtrer d’elle, et se débattre contre lui-même pour s’y acclimater, usa toute sa vie à chercher dans les ténèbres et la nature et sa nature. Il retrouva à la fin la voie vers ses dieux authentiques : il eut le temps encore, il eut le temps tous juste de leur bâtir et se bâtir un temple, puis expira, épuisé, sur le seuil. Nous faisons allusion à ses derniers ouvrages connus ; une sérénité comme virginale, une aisance angélique les habite : ce sont vraiment les noces élyséennes d’Hercule avec Hébé.
Tout son œuvre antérieur, si indiciblement triste, représente le même Hercule peinant et saignant, si Puvis de Chavannes est Apollon. Les deux noms invinciblement s’appellent par une pareille sublimité d’harmonie atteinte au moyen des gestes les plus étonnamment, les plus providentiellement contradictoires. Puvis résume vingt siècles de culture ; Gauguin ne vient de personne, de Cézanne non plus que de nul autre ; Gauguin est un antédiluvien ramené à la lumière ; Gauguin est le barbare somptueux, véhément, tumultueux et sourd, avec quelque chose du sauvage et de l’enfant, et tout l’incurable désespoir des races condamnées. Têtu, fier, inquiet, volontaire plutôt que dominateur, il épanouit le primitif, le natif, dans toute sa rauque beauté. Mais en cage ; raison sans doute de son empire : par son œuvre, par sa vie, il fut un exemple et un enseignement. Sa peinture image dans l’individu humain une architecture mouvante qui trouve et son moteur dans quelque conscience obscurément surhumaine, et sa ramification décorative dans une nature torrentiellement vierge. Vers l’harmonie primaire elle fit rebrousser chemin aux yeux exténués d’art : c’est bien Hercule, celui qui déplace les montagnes barrant un autre monde. Ne parlons pas de doctrine, ne disons pas : il fomenta une école, quand des artistes qui le hantèrent aucun (de ceux du moins qui font voir un talent) n’a de sa manière absolument rien gardé. Il n’a pas fait de disciples ; directement, si non par contre-coup, pour toute une génération il a été le précurseur, le révélateur, le libérateur ; il a fait des tempéraments.

FAGUS.

Fagus sur Livrenblog : Fagus : Picasso 1901. - Albert Samain par Fagus - Durio, Bocquet, Maillol, etc. Exposition Lévy-Dhurmer par Fagus.

mercredi 23 janvier 2008

Octave MIRBEAU "l'Homme aux potins rouges"

Un nouveau portrait par Louis Stiti, paru dans La Plume N° 312 du 15 avril 1902, c’est Octave Mirbeau et ses contradictions qui entre les pattes du petit singe, se trouvent assez méchamment « mis à nu ». Le ouistiti a la dent dure, mais derrière la rosserie du pamphlétaire, se dégage une image assez juste de «l’homme aux potins rouges».


GRIMES
Octave Mirbeau


Talent méconnu et homme fort. Il a fait de tout : politique, corps d’Etat, coup de bourse, fonctionnarisme, théâtre, romans, dernier et premier Paris…
En général, c’est le Jean Lorrain de la gauche, l’homme aux potins rouges.
Ayant fréquenté chez les gens bleus, il a surpris leurs sottises et leurs malpropretés. Il les dénonce à plaisir, avec joie et âpreté. Il connaît les folies du prêtre, les vésanies de l’épicier. L’homme de Daumier et de Forain n’a pas de secrets pour lui.
Mirbeau a l’intuition des mesquines dépravations du comptoir ; il comprend « les grosses mains rougeaudes » que n’affine que la cochonnerie. Ces êtres font pâmer son talent. Parler d’eux, les ridiculiser, les remuer, les définir, voilà sa littérature.
Mais en parlant d’eux, il songe aussi à lui-même, à l’homme armé de grosses mâchoires et dont les yeux ont des éclats déments.
Ne lui demander pas une opinion, la probité intellectuelle, la pensée généreuse.
Il est aujourd’hui contre le lys et le chapeau gris, comme autrefois il était contre le bonnet phrygien.
Un jour, il vilipende Vielé-Griffin et présente Franc-Nohain comme prince des poètes.
Il mange du Leygues à la sauce Roujon et pour sauver Grave réclame la tête d’Emile Henry.
Il a défendu Dreyfus pour les mêmes raisons qu’il a canonisé Maeterlinck…
Tel est le cas Mirbeau ! Oui… Casus Mirbonis existe !
« Casus Mirbonis » c’est… en théorie et en apparence, le sympathique champion des génies méconnus, des talents qui ont besoin d’être soutenus contre l’imbécillité du vulgaire, c’est aussi le défenseur des causes justes et décriées.
Mirbeau est souvent su côté des mots qu’on écrit avec des majuscules.
Rodin et Lajeunesse ont été défendu par lui. Il a créé ce jeune homme fort en gueule que les Napolitan et american bars connaissent… Il a toujours aimé mes frères les ouistitis… qui ressemblent aux hommes, il a toujours aimé ses jeunes miniatures, les Mirbeau sans parure, de braves cœurs à l’appétit simple, à la mâchoire large et au front lourd.
Au fond, Mirbeau manque de ferveur pour les grandes pensées, les subtils génies, les idées mal cotées.
Il est le sombre symbole du paysan échoué dans la grande ville et affolé par la vie nerveuse.
Il lance les grands génies, pour embêter les siens et pour avoir un bagage moral qui excuse devant sa chair robuste sa raison cahotée.
Il se sent si fort et si subtil en commentant à l’épicerie et à la limonade les mystères du monument de Balzac et de la Princesse Maleine.
Il est si heureux en parlant des bombes de donner « la trouille aux haricots bourgeois ».
Ce jouisseur échoué aux démocrates et aux libres-penseurs, au fond a le mépris des lois de la vie, des foules, des individualités. Il adore le rictus et aime voir les faces convulsionnées de ceux qui n’ayant pas été faits pour les hautes beautés, sont effarés devant elles.
En a-t-il vu de ces rictus grâce aux grandes idées et aux grands hommes qu’il avait l’air de défendre !
Ce jouisseur à la cérébration intense et la vésanie généreuse.
Son Calvaire est tragique jusqu’au hoquet, son Jardin des Supplices est la folle tourmente d’un homme bâti en débardeur et qui est obligé de subir la finesse.
Qu’il est simple, son drame intime ! Mirbeau digne de lutter pour le championnat du monde et devenu polémiste et écrivain, son cerveau que des os trop gros défendent contre la vie, subit le choc sourd… Sa pensée est née de chatouillement, elle est éclose parmi les rumeurs de la matière que l’âme agace et gêne.
Aussi expie-t-il ce malheur par de folles souffrances, par de folles générosités, par des attitudes de héros et par des phrases pleines de feu et de boue.
Mirbeau, c’est le penseur par sensualité détourné de son but. Comme tous ceux qui ont mis leur cervelet dans le cerveau il vit dans l’insuffisance et dans l’épouvante.
… Mirbeau maudit. Mirbeau est obligé de maudire. Et comme la plupart des Satans il est le jouisseur inassouvi que Dieu a affolé, le bon dieu de sainte Thérèse, de saint François d’Assise et de tous ces paysans que Saint-Sulpice abrite en leur offrant la parole douce du sacerdoce dans la solitude remplie de hantise et d’effroi.
Les flammes bleues de cet enfer parfois prédisposent à la tendresse, à la bonté et à la finesse.
Mirbeau, à grosse mâchoire, à instinct primitif, souvent sanglote et prête aux solitaires son appui.
Mais souvent aussi, la matière, celle qui est le noyau de son âme, la charpente de son être réapparaît dominatrice. Et alors Mirbeau devient lui-même : L’être déclassé dans ses jouissances et dans ses appétits.


Louis Stiti Ainé.

mardi 22 janvier 2008

Opinions sur Gauguin 3e livraison. P. DURIO

Enfin un enthousiaste, Paco Durio, un proche, un ami, contrairement à ses prédécesseurs (I) (II)dans cette enquête il n’hésite pas à parier sur la gloire posthume, au moins auprès des artistes, de Gauguin.

M. P. DURIO

Mon affection pour l’homme était profonde ; mon admiration pour l’artiste, absolue.Son sens si pur de la destination décorative de l’art plastique, l’importance exceptionnelle de son apport personnel, la nécessaire réaction qu’il institua contre la décadence officielle de tous les arts, sa fécondité extraordinaire firent de lui, à mes yeux, l’égal des plus grands maîtres anciens.Quant à sa doctrine, plutôt que dans ses paroles je la lisais dans ses œuvres, dans son exécution si libre, si indépendante de tout parti pris. Je ne sais pas s’il eut raison, scientifiquement, théoriquement, contre Chevreul et les impressionnistes de la dernière heure ; je ne sais pas si son enseignement était impeccable : mais je témoigne de la beauté de son exemple, de la splendeur de sa création.Son intelligence n’atteignit guère qu’un groupe restreint, directement du moins. Il y a pourtant quel chose de lui, plus ou moins, chez tous les jeunes de ce temps, et je suis convaincu que toujours davantage les artistes dignes de ce nom auront souci d’un homme et d’une œuvre qui furent l’honneur immérité de cette misérable époque.Quant à son attitude, j’exprimerai sincèrement ce que je pense en disant qu’elle fut celle d’un martyr et d’un héros.

P. DURIO

Charles Morice Opinions sur Charles Gauguin. Mercure de France, N° 167, novembre 1903 Eugène Carrière - Jean Dolent - Fagus - Gustave Geffroy - Charles Guérin - Antoine de Antoine de La Rochefoucauld - Camille Lemmonnier - Maximilien Luce - A. Mithouard. G. Prunier. O. Redon OPINIONS SUR GAUGUIN - Charles MORICE Fin

Reçu - L'Oeil Bleu N° 5

Reçu ce matin le N° 5 de L'Oeil Bleu (1), que Nicolas Leroux en soit ici remercié.


Une élégante revue que cet Oeil Bleu au sommaire appétissant. On y trouvera deux chapitres des souvenirs d'Alexandre Schanne où, dans l'un, il conte un dîner et un déjeuner avec Charles Baudelaire et dans l'autre dessine le portrait de Charles Barbara, l'auteur de l'Assassinat du Pont-Rouge. Une mise au point, sous forme de repentances, sur la véritable identité de Jean Dayros (2). Passionnante la dernière partie de Souvenirs du Temps d'Anarchie, d'Auguste Linert, qui avec Gabriel De La Salle fonda la revue L'Art Social, dont on trouvera une description, la liste des numéros et des collaborateurs. Nous savions qu'Hugues Rebell sous le nom de Jean de Villiot écrivit pour l'éditeur Carrington des livres licencieux, consacrés à la flagellation, mais grâce à Noël Herbin, l'histoire de l'édition de Femmes Châtiées n'a désormais plus rien d'obscur, il en profite pour faire un sort aux attributions fantaisistes de certains de ces romans à Rebell. Anarchie, encore, avec un article de Nicolas Leroux sur le premier attentat anarchiste en France, une bombinette sous la statue de Thiers à Saint-Germain en Laye.


(1) L'Oeil Bleu, revue de littérature, XIXe XXe. Commandes et abonnements : 59 rue de Chine 75020 Paris. Contact : associationoeilbleu@yahoo.fr. Bon de commande téléchargeable sur le site Remy de Gourmont


(2) La véritable identité de Jean Dayros, son lieu de naissance et autres détails primordiaux, ont fait l'objet d'une petite controverse suite à un article précédant de Henri Bordillon dans la même revue. Les interréssés aux querelles byzantines, pourront se reporter à ces articles ainsi qu'à l'interventions de Patrick Ramseyer sur l'Alamblog de l'excellent Eric Dussert, afin de faire toute la lumière sur Jean Dayros auteur de Les Solitaires (vers).





Jean Lorrain n'assassinera personne


Deux portraits de Jean Lorrain parus dans La Plume.
Dans le N° 317 du 1e juillet 1902, c’est Georges-Michel, qui dans sa série de Masques Parisiens, croise Jean Lorrain de retour de Venise, le mois suivant dans le N° 319 du 1e août, l’irrévérencieux, Louis Stiti Ainé (1) dans sa chronique, Grimes, s’en prend à un Jean Lorrain déjà légendaire.

(1) Qui donc se cache derrière ce pseudonyme de mini primate ?



MASQUES PARISIENS
Jean Lorrain


Il arrive, marchant telle une danseuse qui s’élève sur la pointe extrême du pied et cherche à s’y maintenir le plus longtemps possible, les épaules très hautes, permettant au derrière de la tête de s’y engoncer crânifiquement. Un toupet de cheveux gouffroyants dansille au-dessus d’yeux immensément glauques, la moustache presque élégante, adoucissant malgré elle un rictus aspirant l’air au travers de dents toujours serrées.
Sa face semble poudrée, maquillée, la peau ridée, et ses poils, d’un intéressant mélange, font rêver à de barbares teintures. La cravate nulle.
Les coudes au corps, les mains en avant, le dessus en dehors, laissant couler les doigts dans le shake-hands, le voici :
- Je viens de Venise, mon cher, c’est magnifique, c’est charmant, c’est merveilleux, comme au XVIe siècle, rien de changé, et la vie pour rien…, pour vingt francs par jour, mon cher, logé dans un palais… et ce temps, ce ciel bleu, à peine quatre jours de pluie, ce climat !... Oh ! j’en avais besoin…, j’y ai refait ma gueule ».
Parle-t-il sérieusement et quelque nouveau fard…? Non, son teint est plus frais, ses cheveux sont de couleur homogène, aucune senteur byzantine n’émane de lui.
Il semble content, il tripote avec joie ses étranges émeraudes…, de là-bas il a démoli Rostand et les Comédiens des français.
Et il s’en va, le pas comme son tracé de plume, léger, mais profondément marquant, l’air « jeune homme bébête » dans la rue.
Et j’ai fini par comprendre, un tout petit peu, ce dédain pour les hommes, ce dégoût dont il se fait joie, cette allure naïve qu’il prend, effrayé par la fatuité inutile des gens que l’on croise, les regards vainqueurs des imbéciles et l’immanente supériorité des ignares.

Georges-Michel

GRIMES
Jean Lorrain


Sur commande



Princesses d’ivresse et d’ivoire et âmes simples à l’usage de Claudine, poussières de Paris à l’usage des demi-castors, Phocas pour les Alcibiades sans emploi, Rétif de la Bretonne – pour tout le monde et la gent lettrée, potinière, réclamière et alcoolisée – voici œuvres, chefs-d’œuvres et hors-d’œuvres de Jean Lorrain, homme qui pleure et rit, poète, écrivain, lanceur des tripots, des meubles et de Sem.
Inventé par Champsaur, Lorrain a quitté le pays normand, est venu à Paris et, grâce à Xau, est devenu écrivain et homme redoutable.
Gros yeux, gros cou, grosses mains, grosses lèvres – enfin une symphonie en gros tas de grosses choses – en un mot Jean Lorrain – est à Paris le représentant et le détenteur de la perversité, de la finesse et de la décadence. Il est une puissante ! Il a le droit de ne rien craindre, de patauger dans la boue, d’être canaille, rosse et azur, Lorrain c’est – comme dirait Demolins – la Conquête de l’Angleterre. Il est je crois, j’en suis sûr, un descendant paysan d’un de ces bull-dogs que Jeanne-d’Arc a oublié de mettre à la porte. Il a l’âme d’un outre-manche, avec toutes ses grossièretés, toutes ses frayeurs et toutes ses audaces. Lorrain, c’est l’Anglais qui… débarque en France, que la liberté de penser haut affole, qui ne craint pas le hard-labour, que le rosbiff affine et le Mutton of England rend intellectuel.


Ecce Lorrain !


…Imaginons-nous une ville composée des bars américains, habitée par les jockeys, les rastaquouères et les jeunes filles en rupture qu’entretiennent princes roumains et grands ducs. La vie d’une pareille cité est chaude ; elle est pleine de dangers et de convoitises. Elle est basée sur rien et a pour but l’oubli. Elle est faite de fatalités, qui usent l’homme jusqu’à la moelle et la femme jusqu’à la lie…
Or, cette vie a trouvé son Saint-Simon, son Vide-Bouteille à grimoire… C’est Jean Lorrain. Il a la finesse de nullité, l’intelligence de papillon, l’effroi de chauve-souris. L’électricité de tous les casinos l’éclaire. Les moustaches de tous les Grecs, les seins de toutes les courtisanes dont le prix dépasse cinq louis, décorent… le front de Retif de la Bretonne ; des maisons de jeu, de rendez-vous et de Tellier. Lorrain, en effet, est surtout fabuliste des « à fleur de peau », comme l’intrépide Vide-Bouteille était leur amphitryon.
Il y a pourtant un abîme entre eux deux !
Le Vide-Bouteille était jouisseur et acteur. Il couchait avec toutes ces femmes, il organisait des orgies, il en est mort.
Jean Lorrain c’est le reporteur. Il représente le cerveau des clients de chez Maxim’s. Il cristallise en lui leurs épouvantes, leurs doléances, leur insolence, leur pituite sentimentale. Car lui – à la façon de ces dames – a l’âme de l’Ambigu. Il rêve carnages, vices et remords.
N’a-t-il pas légalisé les habitudes marines ? Lui qui a l’âme foncièrement brutale de l’outre-manche, devenu normand ! O Anacréon et toi, Virgile, et toi, Shakespeare, que sont devenus vos poèmes ! Alexis ! Alexis ! Lorrain t’a vulgarisé, par vertu. Lorrain réellement vicieux ? Permettez-moi de rire ! Il est le littérateur des cabinets particuliers et des pages à la mode, mais il est aussi loin du vice, que le garçon de chez Maxim’s qui sert du homard.
Lorrain décrit le vice, il le banalise, il lui donne une estampille littéraire, comme Ohnet le fait dans un autre monde.
Impuissant, las, fatigué par les orchidées et la vue des boissons américaines, il se contente de collectionner ce qu’on est forcé de lui donner, d’exercer son pouvoir parmi les cocktails et de poser à l’être désabusé.
Je vois pourtant un vrai Lorrain chez lui, en Normandie : il trompera le fisc, sera un bon mari, fera des enfants et mourra mieux que Brière de la Beauce.
Croyez-moi ! Lorrain n’assassinera personne, ne dépravera pas la Belle Otero et fera rire par ses naïvetés Polaire.
Car au fond Lorrain est le vertueux paysan anglo-saxon que le sang trop riche qui n’est détraqué qu’à la surface… verbalement.
Lorrain fait parfois des vers, comme on va à Robinson. Il est du reste aussi rosse que Mirbeau, aussi rude que Mirbeau. Il est même plus intelligent que Mirbeau et, chose curieuse… quoique Mirbeau soit Lorrain de la gauche, Lorrain n’est pas Mirbeau de la Droite.
Il est seulement le Vide-Bouteille, devenu historiographe, rosse, sentimental.

dimanche 20 janvier 2008

SPiRitus et Les Féeries Intérieures.

Dans l’article, Les Littéraires, de Georges Brandimbourg, que je republiais dans un billet récent, figurait un poème inédit de Saint-Pol-Roux. Comme je l’espérais, notre ami Mikaël Lugan sur son blog, Les Féeries Intérieures, consacré à la poésie et plus particulièrement au Magnifique, dans un billet complémentaire, donne des informations sur les conditions de publication de ce poème. De telles gloses érudites et précises, ne peuvent que m’encourager à continuer de publier ici des documents rares et curieux. Encore bravo et merci à SPiRitus.


Pour les amateurs de Saint-Pol-Roux, Les Féeries Intérieures sont un passage obligés sur la toile, on peut s'y inscrire à un groupe de discussion Les Amis de Saint-Pol-Roux, on y trouvera des documents à télécharger (notamment les réponses à une enquête de la revues Les Marges "Le XIXe siècle est-il un grand siècle ?" Les sommaires de la Pléïade, et une bibliothèque virtuelle), les membres du groupe qui le souhaite recevront une lettre d'information récapitulant les derniers échanges du groupe, et présentant les mises à jour du blog. Un lieu idéal pour échanger et s'informer.

vendredi 18 janvier 2008

LA PHYSIONOMIE de JULIEN LECLERCQ



Julien Leclercq (16 mai 1865 - 31 octobre 1901) à vingt ans avec son ami Gabriel-Albert Aurier il fréquente les réunions de jeunes poètes comme le cénacle de La Butte, à Montmartre, il y rencontre Paul Roinard (futur Napoléon), Edouard Dubus, Gabriel Randon (futur Jehan-Rictus), Paul Pradet (futur Théodore Chèze), Marc Legrand, Léo d'Orfer, Alfred Vallette, Alexandre Boutique, Fernand Clerget et Louis-Pilate de Brinn' Gaubast. Avec Aurier, Dubus, Brinn' Gaubast et un nouveau venu, le jeune suisse Louis Dumur, vivant à Saint-Pétersbourg, il collabore à la fondation de la seconde mouture de la revue La Pléïade (1889). Cette Pléïade, donnera le jour au Mercure de France, dont il sera l'un des dix du comité de rédaction (1), figurant au sommaire du premier numéro paru, fin décembre 1889. Il collabore donc au Mercure de France des premières années avant de se tourner vers l'étude des caractères par la physionomie ou l'étude des mains, dans La Physionomie, avant son portrait par Eugène Ledos il ne se présente pas comme poète ou journaliste mais comme "auteur dramatique". Tout comme son ami G.-Albert Aurier, mort en 1892, il se passionne pour la jeune peinture et restera attaché à l'oeuvre de Vincent Van Gogh, ainsi il collaborera à l'organisation de la première grande exposition Van Gogh de mars 1901 chez Berheim-Jeune.


(1) Pour mémoire les autres membres de ce comité sont : Vallette, Aurier, Renard, Dubus, Dumur, Louis Denise, Jean Court, Ernest Raynaud et Albert Samain.


Bibliographie :

Strophes d'amant. Prélude par G. Albert Aurier. Paris, A. Lemerre, 1891. In-12, XXI-74 p.

Dialogue platonicien sur l'antisémitisme Morès et Drumont jugés par Socrate. Morès à l'Hippodrome. Paris, imprimerie des ″Essais d'art libre″, (1892), in-8, 14 p

Les Sept sages et la jeunesse contemporaine. Paris, A.-L. Charles, 1892, in-16, 48 p

La Physionomie, visages et caractères. 85 portraits contemporains d'après les principes d'Eugène Ledos. Paris, (s. d.) in-8, 312 p., Portraits photographiques in et hors texte.
Sadi Carnot, Alexandre Dumas fils, Félix Faure, Jules Simon, Emile Bergerat, Francisque Sarcey, le Général Boulanger, S. M. Nicolas II, Joséphin Péladan, Alphonse Daudet, Jules Massenet, Georges Clémenceau, Jean Jaurès, Alphonse Humbert, Camille Flammarion, Camille Lemonnier, Th. Edison, Maurice Maeterlinck, Henri Rochefort, Jean Richepin, Julien Leclercq, Puvis de Chavannes, Auguste Rodin, Fr. Coppée, Jules Lemaitre, Victorien Sardou, Henrik Ibsen, Edouard Drumont, Alfred Naquet, Bismark, Déroulède, Jules Guesde, Emile Zola, Brunetière, Pierre Loti, Coquelin ainé, Aurélien Scholl, le reine Victoria, la reine de Roumanie, Mme de Bonnemain, Séverine, Sarah Bernhardt, Augusta Holmès, Gyp, Maud-Gonne, Réjane, Rose Caron, Marthe Brandès, Jane Hading, Emma Calvé, Cléo de Mérode, etc.

La Physionomie, visages et caractères, quatre-vingt-cinq portraits contemporains d'après les principes d'Eugène Ledos. Larousse, (1896), in-8, 310 p., figures.


Le Caractère et la main, histoire et documents. 30 mains de personnages contemporains. Paris : F. Juven, (s. d.), in-16, 266 p., figure et couverture illustrée.


En septembre 1890 c'est Julien Leclercq qui annonce la mort de van Gogh dans le Mercure de France :

Vincent Van Gogh


Vincent Willem van Gogh est mort le 29 juillet dernier, à Auvers-sur-Oise, où il travaillait depuis quelques semaines après un séjour de deux années en Provence. Il était âgé de trente-sept ans.
On n’a pas oublié l’article (Mercure de France, n° I) de notre ami et collaborateur G.-Albert Aurier sur l’art de ce hollandais à la couleur éclatante. Bientôt s’ouvrira une exposition des principales oeuvres du peintre ; il aura peut-être l’heure de célébrité qui lui est due, posthume, hélas ! avant d’être classé à son rang parmi les rares artistes hardis et personnels de cette fin de siècle. Nous devons ajouter que cette exposition aura lieu de par l’intiative de M. Th. Van Gogh, l’habile expert de la maison Boussod et Valadon, le subtil connaisseur, qui avait rendu pleine justice au talent de son frère en lui procurant les moyens de se vouer entièrement à son art. Que cette indiscrétion nous soit pardonnée. La Famille, réduction et synthèse du public, méconnaît si souvent, à moins d’apothéose ( ?) – le Prix de Rome ou l’estime de M. Albert Wolff – les artistes qui l’honorent !
On peut voir des tableaux de Vincent van Gogh chez M. Tanguy, 14 rue Clauzel.
Julien Leclercq



En mai 1891 il rend compte du Salon des Indépendants dans ce même Mercure :


Aux Indépendants

Il serait d’un mauvais conseil d’engager le public, hélas ! peu nombreux en cette exposition, de s’attarder dans les premières salles où c’est, comme chaque année, un lamentable spectacle que nous donnent des peinturlureurs qu’un peu d’habilité eût rendus dignes du Palais de l’Industrie, et qui s’en consolent par leur conviction naïve d’être des indépendants. Dans la salle avant-dernière, MM. Rauft, Perrot et Perier montrent des velléités de tendances originales.
M. Perier seul a quelque mérite ; il y a des intentions dans sa Convalescente. M. Perrot n’entend rien au pointillisme. M. Rauft aime Degas et Chéret, ce qui est bien, mais il n’a ni la fantaisie du dernier, ni les qualités de dessin du premier, qui est un maître : c’est plus que médiocre.
Dans la dernière salle, la seule intéressante, si tout n’est pas admirable, une partie tout au moins des toiles accrochées méritent la discussion.
La société des Artistes indépendants est cette année en deuil de trois de ses membres : Vincent van Gogh, qui fut et reste un grand peintre de ce siècle ; Seurat, tempérament de chercheur et d’initiateur, un militant d’avant-garde ; Dubois-Pillet, qui fonda la société et fut un bon administrateur. Mais faisons un tour de salle :
Dubois-Pillet. – Soixante toiles. C’est l’oeuvre d’un amateur d’art qui eût pu emplyer plus mal les loisirs que ses occupations lui laissaient. Quelques jolies natures mortes de sa dernière manière ; nous préférons l’autre.
Georges Seurat. – L’an dernier le Chahut, cette année le Cirque. Recherches curieuses peut-être, mais cette géométrie est-elle de l’art ? Des tous rares et fins dans ses marines. Peint ses cadres : puérilité.
Paul Signac. – Beaucoup d’habileté et d’assimilation. Harmonie conventionnelle, aucune sensibilité. La Mer, c’est le Fleuve, et réciproquement. Le portrait de M. Félix Fénéon est bien amusant.
Charles Angrand. – Nous en parlâmes louangeusement l’an passé. Il est à craindre que trop d’adresse n’émousse la sensibilité de ce peintre qui, après Camille Pissarro, est le plus bel artiste de son groupe.
Van Rysselberghe. – Ecole des Beaux-Arts, classe de M. Lefebvre, - voyez le dessin. La couleur est jolie et d’un virtuose qui se croit sans doute un révolutionnaire.
Henri Cross. – J’aime mieux Carolus Duran.
Leo Gausson. – Rendez-nous, cher Monsieur ! le Gausson d’autrefois. Bien que peu, il valait mieux. Horreur !
De Toulouse-Lautrec. – Belle exposition. Nous sommes restés longtemps devant le tableau : A la Mie. Grandes qualités de style. Pas très personnel, mais enfin !...
Armand Guillaumin. – Un peintre puissant qu’on peut ne pas aimer. Il est brutal. Discutable, mais incontesté : c’est Zola peintre. Du rouge et du bleu (ses jaunes sont rouges, ses verts sont bleus) et avec ses deux couleurs il nous donne sa vision fortement matérialiste d’une nature exubérante.
Anquetin. - Dans une manière joliment décorative, son Torse de jeune fille vous sollicite au passage. Le dessin est pur. Des roses du visage aux crèmes chaudes du torse compte parmi les trois ou quatre qui de cette salle sont les meilleures. Nous aimons aussi le profil de femme (N° 17). Les paysages et le décor sont inférieurs. Par la composition et les particularités du dessin. Le Pont des Saint-Pères tient de la fresque, mais il semble que la couleur n’en soit pas assez murale.
Emile Bernard. – Un tout jeune peintre de beaucoup de talent qu’il ne faudrait pas juger sur les toiles qu’il expose. Une seule, Peupliers au déclin, vaut d’être citée. Ajoutons-y la nature morte où l’on sent les qualités du peintre. Le reste n’a rien de définitif. On n’expose pas le produit de recherches incomplètes.
Maurice Denis. – Ce mystique nous arrête. Il expose pour la première fois. Il est à souhaiter que ses dessins de Sagesse, de Paul Verlaine, trouvent un éditeur pour une édition luxueuse de ce beau livre. Dans la femme nue de son Décor, il n’y a pas harmonie entre la couleur qui vibre trop et la ligne qui est silencieuse et doit l’être. Belles promesses.
Pierre Bonnard. – A mentionner son petit tableau : L’Exercice.
Anna Boch. – Admire van Gogh et ça se voit.
Daniel-Monfreid. – Admire Gauguin et ça se voit.
Willumsen. – Parmi ceux qu’a influencés Paul Gauguin, c’est un des rares dont la personalité soit parente. On rie devant ses toiles, c’est affaire aux niais. M. Willumsen a du tempérament. Deux bretonnes sur la rue et la fin du bavardage sont dans un caractère de puissante originalité. Ses eaux-fortes sont fort belles. Sa sculpture sur bois est mieux qu’intéressante. Il y a chez ce peintre un don d’ironie qui n’est pas à fleur d’âme.
Vincent van Gogh.La Résurrection est le chef-d’oeuvre de l’exposition des Indépendants, et, de plus, un chef-d’oeuvre. On a tout dit sur cet admirable artiste.
Lucien Pissarro. – Nous n’aimons pas sa peinture. Ses gravures sur bois sont remarquables.
Albert Trachsel. – L’architecte symboliste. Le lever de lune (fragment de décoration d’un temple à la lune) ne renseigne pas suffisamment. Mais son épure du Palais des extases, dans sa simplicité de lignes, nous montre à quelle volupté architecturale on peut atteindre par des courbes. L’architecture n’avait pas encore exprimé cela.
Julien Leclercq.



mercredi 16 janvier 2008

Opinions sur Gauguin Deuxième livraisons A. Delzant, Jean Dolent.

Il se défend mieux mort que vivant.

Aujourd’hui deux opinions sur Gauguin collectées par Charles Morice (1), celle d’Alidor Delzant, avocat, collectionneur, bibliophile, auteur d’un ouvrage sur les Goncourt et légataire testamentaire des mêmes, et qui semble avoir peu de goût pour l’art moderne. Jean Dolent, romancier et critique d’art, prudent comme son ami Carrière, égale à lui-même, ce faux modeste ne « dit que de petites choses ».

M. Alidor Delzant


Sur M. Gauguin je n’ai rien de particulier à dire : je suis de ces rétrogrades qui préfèrent le talent sans le génie au génie sans le talent !


M. Jean Dolent

Jean Dolent par Bracquemond


Je dois à Charles Morice d’avoir connu Gauguin. Devant cet homme d’une persistante volonté j’étais un peu confus, étant de ceux qui ont pu recevoir de l’Immortelle un rendez-vous auquel une femme a fait manquer (c’est ainsi qu’ils s’excusent)… et ainsi ils ne furent pas admirables, ce qui a cet avantage de ne pas donner au lecteur la sensation fâcheuse, l’humiliation, de se sentir inférieur à eux. Ils ne disent que de petites choses.
Paul Gauguin parlait de tout avec assurance ; il parlait un peu bas de [ce] qu’il entendait mal, disant n’avoir pas « de lettres », attendant peut-être de nous une objection que notre imparfaite éducation et aussi notre malice lui laissaient parfois attendre assez longtemps.
Glorieux, je le rappelle : j’ai eu un même jour à ma table : Paul Gauguin, Albert Trachsel, Odilon Redon. Je disais : « Personne n’est bête, ce qui est bête en nous est emprunté. » Voilà toute ma part. J’écoutais.
On aimait Gauguin les yeux ouverts. Il y avait deux personnes en Gauguin et j’étais avec l’une d’elles, d’accord avec Gauguin quelque fois, contre l’autre : le théoricien était abondant et imprécis, mais l’artiste au chevalet était silencieux. Il se défendait. Il se défend mieux mort que vivant.
Toulouse-Lautrec (disait devant une toile de Paul Gauguin) : - Un pied est plus joli que ça !
Il disait aussi : - Gauguin ne s’avale pas comme une pilule.
Rodin (devant un bois sculpté de Gauguin) : - C’est de la curiosité.
Carrière, affirmatif et autoritaire, il a conquis ce droit : - Gauguin est au-dessus de Burne Jones.
J’aime le portrait de Gauguin par lui-même donné à Carrière et le portrait de Gauguin par Carrière, donné à Gauguin. Cela veut dire quelque chose, je pense.
Il n’y a pas d’histoire « connue », il n’y a pas d’histoire « nouvelle » absolument : Gauguin est un créateur dans la mesure des différences. – Quelques-uns du groupe, parmi ceux qui font de l’analyse toute la semaine et de la synthèse le dimanche, se disent (indûment) rassurés : Gauguin ne me gêne point, il ne sait pas dessiner.
Et ainsi tout le monde est content.
Il est intervenu.


(1) Charles Morice Mercure de France, N° 167, novembre 1903

Femme au visage caché

lithographie d'Eugène Carrière pour Monstres, Lemerre, 1896, de Jean Dolent

Eugène Carrière - P. Durio - Fagus - Gustave Geffroy - Charles Guérin - Antoine de Antoine de La Rochefoucauld - Camille Lemmonnier - Maximilien Luce - A. Mithouard. G. Prunier. O. Redon OPINIONS SUR GAUGUIN - Charles MORICE Fin

mardi 15 janvier 2008

Brinn' Gaubast, Clerget, Morice... par G. Brandimbourg


Trouvé dans le Courrier Français du 12 octobre 1890, un curieux et virulent article de Georges Brandimbourg. Il s’attaque ici tout d’abord à son ancien ami Louis Pilate de Brinn’ Gaubast, dont il ampute le pseudonyme d’un N. Si l’on en croit Georges Oudinot, Brandimbourg participait aux réunions de jeunes littérateurs qui avait lieux le mardi chez Louis Pilate au dix sept de la rue Claude-Bernard vers 1885, mais depuis cette époque la campagne menée dans La Plume par Georges Bonnamour et Léon Deschamps contre Brinn’ Gaubast, allait faire de celui-ci un paria dans le monde des lettres. Brinn’ Gaubast était accusé du vol du manuscrit des Lettres de mon moulin d’Alphonse Daudet, alors qu’il était le précepteur de son fils Lucien (1). L’animosité contre Fernand Clerget et Hyren Nilhoc est plus étrange dans un journal qui accueillait leurs proses régulièrement au moins jusqu’en décembre 1889.

(1) voir Le Journal inédit de Louis-Pilate de Brinn’ Gaubast. Préface et notes de Jean-Jacques Lefrère avec la collaboration de Philippe Oriol. Horay, 1997.



Les Littéraires
(Suite)
par Georges Brandimbourg



Ce qu’ils croient être leur génie n’est que
le résultat d’une infirmité !



Nous disions que les faiseurs de littérature assoupissante qui, sous une apparence d’érudition, cachent la plus désespérante impuissance, s’étaient adressés à des cerveaux creux, certains d’y trouver de précieux disciples et par eux se bombarder chefs d’école.
Impuissants eux-mêmes, d’une complète ignorance de toute chose vécue, mais sachant très bien le jour et l’heure où Sophocle toussa pour la première fois, leur vanité n’a d’égale que la fatuité cassante de leurs adhérents. Venus en ce monde déguisés en génies, ils n’ont ouvert la bouche que pour téter la muse.
M. Louis-Pilate de Brin’Gaubast est certainement un type le plus réussi de ce genre de chef d’école prétentieux et nul. Ce n’est pas lui qui eût attendu sa descente en notre « vallée de larmes » pour étonner ses concitoyens : déjà, dans le ventre de sa mère, il commettait des vers,

Et la nourrice qui l’apporta
Recule épouvantée…

Je n’invente pas, je constate : Lisez plutôt, si vous en avez le courage, le Fils adoptif – un fils mort en naissant. – Il nous y est appris, en un style pénible, torturant, que M. Brin’Gaubast (de) étonnait sa nourrice, stupéfait ceux qui nettoyaient ses langes, ahurissait ses professeurs ; qu’il est né pour révolutionner l’art et créer le vérisme, que Zola n’a rien fait, que Richepin n’est qu’un crétin et qu’il était temps que Dieu comprît enfin notre désarroi littéraire et permit à lui, le vrai, le seul, l’incommensurable, de quitter les trônes et les dominations pour daigner venir en notre mesquine planète… s’épater soi-même.
Tous ne réussissent pas encore à former un groupe d’admirateurs, non qu’ils aient plus de talent, témoin M. Charles Morice, perpétuellement à la recherche du bataillon dont il sera le chef. Je ne sais si cette école qui périodiquement menace l’horizon serait celle de l’assimilation ; personne ne pourrait toutefois lui contester le droit d’en être le grand pontife. Puisant dans sa nullité toute sa fierté, sa prose imitée de Verlaine et de tous les auteurs connus s’en ressent étrangement. Son livre unique : La Littérature de tout à l’heure (cette littérature sera la sienne ; il devient donc aussi le héros de son livre), est une réédition de tout ce qui a été dit maintes fois par des penseurs français, russes et allemands, une compilation arrosée d’eau bénite à l’adresse des amis. N’y cherchez pas une idée nouvelle, une orientation quelconque, c’est d’un vide navrant. Ce pétard n’est pas encore une fusée.
Le talent de M. Charles Morice consiste en une prodigieuse mémoire et à faire croire. C’est ainsi qu’il parvient à cacher, pour un temps, son manque de conception, son incapacité grande de créer. François Coppée a peint en peu de mots son talentueux emphatisme en disant un soir, au café de Versailles : « Mais qu’il… donc, on verra ce qu’il peut faire ! »
Il n’y aurait pas à les discuter s’ils restaient à leur place et ne cherchaient par tous les moyens à nous éclabousser de leur moi immuable, si les Clerget et les Chaulin-Nilhoc de la littérature, vivants désastres de la pensée, ne promenaient partout leur insuffisance (insuffisance littéraire, j’entends : leur vie privée n’appartient qu’à eux), si dans leur touchante naïveté ils ne nous prenaient pour ces bons bourgeois poussant la crédulité aux dernières limites des plus lointaines frontières en venant afficher devant notre dédain les croyances qu’ils n’ont pas.
Cela les conduit à une exagération bouffonne. Ainsi, nous avons vu dans les quelques nouvelles qu’un hasard providentiel fit publier à M. Nilhoc Dieu accommodé à toutes les sauces. – Leur orgueil va jusqu’à Dieu et ne veut bon gré mal gré en descendre. – Dans ces nouvelles écrites avec l’eau d’une décoction de pavots sans sel ni poivre et surtout sans esprit, prétendant à la sensualité, nous y trouvons, là où il n’a que faire, le Dieu omnipotent, compétent, appétant, tant et tant qu’il paraît que c’est un genre. Nous trouvons même des versets de l’Evangile dans un conte où le sujet très vieux nous apprend qu’il existe des femmes se passionnant pour un assassin. Pourquoi ne fait-il réciter à ses personnages le Benedicite avant de faire l’amour ?
Je ne veux pas m’attarder dans une longue dissertation sur le style maladif de M. Fernand Clerget ni sur la prose ampoulée de M. Nilhoc, je ne discute que les idées y renfermées, et ce n’est pas chose facile de discuter ce qui n’existe pas. Mais alors, pourquoi ont-ils érigé en principe qu’aujourd’hui la modestie est une maladie, eux qui se portent si bien ?
Un modeste, M. Léon Deschamps, le sympathique directeur de La Plume, a certainement pondu plus que ces dédaigneux. Je ne dirais pas que les Contes à Sylvie, A la gueule du monstre, le Village, sont des écrits incomparables. C’est un peu jeune et pourtant, dans le Village, il se dégage par endroits une saveur campagnarde qui nous fait espérer de M. Léon Deschamps de futurs œuvres bonnes.
Jean Moréas, le poète délicieux, est un modeste.
Louis Dumur, l’auteur des pages vibrantes de la Néva, est un modeste.
Un modeste aussi révolté implacable, le maître Léon Bloy.
Ainsi, l’étrange Saint-Pol-Roux, une des physionomies les plus originales. On peut ne pas aimer l’outrance voulue de ses figures, mais on ne peut lui contester une force, une pensée puissante qui en font quelqu’un. Et je ne puis résister au plaisir de mettre sous les yeux des lecteurs du Courrier Français de lui cette pièce inédite.


A Alexandre Kieffer



Voici la vierge aux seins émus comme la vague,
Et le jeune homme à la prunelle de rubis.
Aux doigts rit le serment copieux de la bague.
Or c’est un loup dompté charmant une brebis.

La nuit jeune entendra la mourante caresse
Qui doit renaître un jour en costume d’enfant ;
Magnifique héritier qui, parmi la détresse,
Chante à la vieille argile un espoir triomphant.

Nous fûmes autrefois ce rose petit être,
Et notre père aussi, puis aussi notre ancêtre,
Jusqu’au souffle de la divine charité.

Car l’enfance est la barbe blanche et vagabonde
Du Premier-Brun qui crut en la Première-Blonde.
-Et c’est cela peut-être l’Immortalité !



Saint-Pol-Roux.


Je pourrais encore citer Vallette, Edouard Dubus, Albert Aurier, Gabriel Randon et prouver ainsi que l’aménité, une modestie fière ne sont pas incompatibles avec le talent.
Et point ne sera malaisé, dans ma prochaine chronique, de démontrer que, si certains sont restés seuls avec ce qu’ils n’avaient pas : leurs idées, c’est que le blason (plumes de paon sur chant de gueule) qu’un souffle fait vibrer à la porte de leur boutique nous à laissés froids.


Georges Brandimbourg.

Lire l'excellent billet de SPiRitus sur le blog, Les Féeries Intérieures, donnant toutes les informations sur les conditions de publication du poème de Saint-Pol-Roux cité dans cet article.



Louis-Pilate de Brinn'gaubast sur Livrenblog : Paul Pradet : "Fils Adoptif" de Louis-Pilate de Brinn'gaubast