lundi 31 mars 2008

ROMAIN COOLUS et JULES RENARD



A Romain Coolus
Entre, Coolus.
Ce n'est ici qu'ombre et fraicheur.
A peine quelques gouttes lumineuses tombent, çà et là, du soleil.
Vois ce scarabée sur cette bouse, comme une riche épingle sur une épaisse cravate.
Déplace ces moucherons et marche un instant, la tête dans leur fragile orchestre.
C'est l'heure où le petit bois, comme une voilière peinte, garde prisonniers les oiseaux.
Ecoute un merle qui flûte mieux que toi.
Observe, de loin, ce bouleau. Il ne fait que se cacher derrière les chênes, comme un homme en veste claire qui voudrait fuir.
Et toi-même, ô libre poète ! avoue que si le garde-champêtre paraît, tu salueras le premier.
N'aie pas peur. Ce que tu entends, c'est une source ivisible qui s'échappe des ronces lilliputiennes et cause toute seule. Il n'y a personne. Le petit bois est à Coolus. Je le lui prête.
Je te prête ses délices.
Je te prête son étroit chemin que tu ne peux suivre que d'un pied, et je te prête, comme des serviteurs, ses arbres élégants qui, pour te protéger, se passent l'un à l'autre une ombrelle de feuilles.
Mais si tu veux goûter, comme il faut, le charme du petit bois, va de temps en temps jusqu'à la lisière, ouvre les branches et regarde là-bas, ces près sans herbe, cette route aveuglante et ce clocher pointu qui fond au ciel.
Tout brûle dehors, Coolus. Ferme vite les branches.
Jules Renard

Publié dans la revue L'Image, N° 3, février 1897, avec un bois gravé de Félix Vallotton.


RONDEL
Pour célébrer l'auteur
de Sourires pincés et de l'Ecornifleur.


Sourire énigmatique, en x,
Celui que Jules Renard pince.
Son oeil rôde comme un bombyx
Sur la ville et sur la province,
Et sa claire prunelle lynce
A des éloquences de Pnyx.
Sourire énigmatique, en x,
Celui que Jules Renard pince !

Môme souffreteux ou phénix,
Gens qu'on encense ou qu'on évince,
Renard met sur votre âme mince
Son verbe net comme un onyx -
Sourire énigmatique, en x.

Romain Coolus

Petit Tussaud du Rondel. Revue Blanche, N° 28, Février 1894.



Son ami Romain Coolus, fera sans doute l'objet d'un billet prochainement.

Romain Coolus sur Livrenblog : Romain Coolus présente quelques amis / Les Etoiles crevées Prose légendaire par Romain Coolus


mardi 25 mars 2008

Laurent TAILHADE et LA FRANCE



Guillot de Saix conte dans le N° 74-75-76, d'octobre, novembre, décembre 1954 de la revue Quo Vadis, sa rencontre avec Laurent Tailhade et les débuts de celui-ci au journal La France.

Laurent Tailhade


C’est en 1912, aux bureaux de la Plume où je tenais alors la rubrique dramatique que je fis connaissance de Laurent Tailhade qui approchait de la soixantaine. Il s’était jugé offensé par certaines phrases du mousquetaire René Le Gentil. On faillit en venir au duel. Nous dûmes intervenir. Laurent Tailhade s’étonnait qu’on l’ait insulté dans une revue dont il avait été « l’un des premiers et des plus exacts collaborateurs ». Justice fut rendue au vieux maître, auquel on ouvrit toutes grandes à nouveau les portes de La Plume, en y donnant le premier chapitre de « Quelques Fantômes de Jadis » et l’accueil qui lui fut fait se montra tel qu’il put écrire d’Auteuil le 21 décembre :


« Il m’emplit de gratitude et je l’avoue aussi, d’un orgueil profond et doux ».


Dés le 2 mars 1909, Laurent Tailhade m’écrivait de Marseille, étant en route vers Nice, en réponse à une demande de préface pour une comédie légère :


« Mon cher confrère,
A mon bien vif regret, je réponds à tant de choses gracieuses dont vous me comblez par le refus le plus formel. Voici pourquoi : 1e parce que j’ai au moins du travail pour un an, avant que de pouvoir songer à une tâche nouvelle. 2e parce que ce genre de théâtre boulevardier m’échappe totalement et que je suis incapable de séduire une historienne galante.
Adressez-vous donc à un professionnel du genre. Sur ce point, vous pouvez faire état que je suis à vos ordres, sois pour vous introduire chez les auteurs qui, de près ou de loin, sont de mes relations, soit pour vous ouvrir la porte des directeurs de théâtre auprès desquels j’ai des aboutissants. Mes deux mains.

Laurent Tailhade


Depuis 1912, nous nous rencontrâmes souvent à La Plume et je fus amené en 1917 à demander à Laurent Tailhade, de la part d’Emile Buré, sa collaboration au quotidien La France où j’étais secrétaire de la rédaction.
Il me répondit de La Loupe (Eure-et-Loir) 2, rue Dabancour, le jeudi 28 juin 1917 :


« Entendu, mon cher confrère, nous commencerons, s’il vous plait, le samedi 7 juillet. Encore que bien modeste, j’accepte le prix qui m’est offert (50 francs par article) sous la réserve que La France me publiera un article par semaine. Ce point n’est pas spécifié dans votre lettre, mais je le teins pour acquis, d’ores et déjà. Si vous avez à me faire là-dessus quelques observations, le temps ne vous manquerait pas jusqu’au 7 juillet. Puisque vous le désirez, je commencerais par Les Hydropathes avec mes souvenirs personnels sur Emile Goudeau. Pourrais-je, à La France, dire en toute liberté mon sentiment sur les morts et les vifs ?
Je regrette aussi beaucoup d’avoir, l’autre semaine, perdu l’occasion de passer avec vous quelques moments. Nous rattraperons cela dans les premiers jours de juillet, avant mon début dans la maison amicale dont vous m’ouvrez les portes, car je me flatte d’être à Paris, mardi ou mercredi prochains.
De cœur et d’esprit à vous.

Laurent Tailhade



Ne serait-il pas séant que j’écrivisse à votre directeur (dont j’ignore le nom) ainsi qu’à Monsieur Buré ? »


Le directeur de la France, André Putz (de son vrai nom Putzmann) passait à tort ou à raison pour le fils naturel de la Duchesse d’Uzès aux chasses de qui toujours on le voyait figurer assez piteusement.
Les débuts furent remis. La lettre suivante, écrite encore de La Loupe, le 17 juillet, en donne raison :


« Cher confrère ami
« Je sors d’une épreuve aussi cruelle que ridicule, ayant souffert des dents nuit et jour, depuis une quinzaine et reprenant à peine possession de moi. Ceci pour vous expliquer mon retard et solliciter votre pardon quant à la mauvaise grâce apparente que j’ai mise à correspondre avec vous.
Nos conventions valent plus que jamais. Néanmoins, et puisque mes « début » furent ainsi retardés. Je serais bien aise de débattre avec vous quelques points de détail.
Je le ferais, s’il vous plait, par l’entremise de ma femme qui part, ce soir, pour Paris. Veuillez lui donner rendez-vous soit pour Mercredi, soit pour jeudi, 19 et 20 juillet prochains. Elle pourra vous recevoir dans la matinée de onze heure à midi, sinon, vous retrouver, à partir de deux heures, aux bureaux de la France ou dans tel autre lieu de réunion plus central que notre Auteuil. Vous voudrez bien vous rappeler que notre adresse parisienne est : 47, rue du Ranelagh (16e).
Représentez-vous cher confrère ami, mon entière et fidèle sympathie.

Laurent Tailhade.


Et comme ces lignes sont tracées sur un splendide vergé « réglé » avec marge indiquée d’un trait rouge, un post-scriptum explique ce luxe insolite :


« La crise du papier qui sévit intensément à la Loupe m’induit à vous écrire sur ce lambeau d’un ancien registre notarial, oublié, pendant plusieurs générations, sur le haut d’une armoire. Je ne pense pas que nos arrière-petits-fils en puissent faire autant avec la paperasse d’aujourd’hui. »

L. T.


J’annonçai donc pour tous les samedis « Quelques fantômes de jadis » en citant malheureusement Son Importance Auguste Pluchon, une œuvre signée de Raoul Ralph et qu’il renia en couvrant de boue son abusif collaborateur.


Dès le premier article sa verve franche s’épancha librement, trop librement au gré d’Emile Buré.
Tailhade avait, en effet, écrit :


« Déjà, M. Lugné-Poe évitait de rémunérer ce qu’on faisait pour lui. Ferme, il exploitait les jeunes artistes, écrivains, dessinateurs, conférenciers, poètes, et, sans jamais dépendre un centime, profitait de leurs efforts « au nom de l’Art et de la Beauté ».


Or, Lugné-poe était un vieil ami de Buré, et, bien que Tailhade eut écrit l’exacte vérité, Buré ne permettait pas que de telles phrases parussent en son journal. Je fus donc dépêché auprès de l’écrivain qui remplaça les lignes incriminées par celles-ci :


« Comme le Chancelier de Fer, préludant à Sadowa, M. Lugné-Poe s’annexait le Danemark et jetait sur les pays scandinaves ses regards convoiteux. Le « Nordisme » faisait fureur, on était Scande, Norse et Germain, hélas ! de Montrouge aux Epinettes et d’Auteuil à Saint-Mandé…»


Le style courtois de ces épitres rend bien l’onctuosité un peu précieuse et monacale du verbe de Laurent Tailhade tour à tour si défèrent et si virulent.

Guillot de Saix.


La lecture de la biographie de Laurent Tailhade par Gille Picq (1), nous apprend que la querelle avec La Plume ressuscitée et René Le Gentil, était dut à un article injurieux de celui-ci sans doute inspiré par Jehan-Rictus qui nourrissait une haine quasi maladive à l'encontre de Tailhade. On apprend dans la même biographie que seul trois articles de Tailhade parurent dans La France, dont un réglement de compte avec Raoul Ralph (2). Tailhade est déjà passé sur Livrenblog, ici, voir aussi le site qui lui est consacré, Les Commérages de Thybalt.


(1) Gilles Picq : Laurent Tailhade. De la provocation considérée comme un art de vivre. Maisonneuve & Larose
(2) Voir : Tailhade (Laurent) et Ralph (Raoul) : Sales Bourgeois. Son Importance Auguste Pluchon. Offenstadt frères, 1902


dimanche 23 mars 2008

Xavier PERREAU Wagnérisme et Vers librisme

XAVIER PERREAU, musicien, Wagnérien, et vers libriste

Cinq Mélodies à la Librairie de l'Art
Indépendant, 1894.



Il y a encore de jolis coups à faire

Tous les matins de 9 à 11

Fantomas Blaise Cendrars



J’aperçois de loin la célèbre marque de la Librairie de l’Art Indépendant, le volume est un in-4, broché, Cinq Mélodies, de la musique… Mais ce n’est pas Debussy, la même Librairie avait publié La Damoiselle élue en 1893, non juste Xavier Perreau, dont j’ignore tout, peu importe, après transaction, le livre est à moi.

Première constatation le volume est sur papier Japon, avec un frontispice en lithographie d’Anquetin, il est dédié à Madame la Comtesse Greffulhe, née Caraman-Chimay, les poèmes mis en musique sont : Le Menuisier des trépassés, chanson de Jean Moréas, Les fenouils m’ont dit… poésie de Jean Moréas, La Tentation de Saint-Martin, légende de Robert de Bonnières, Chanson d’autrefois, poésie de Victor Hugo, Recueillement, sonnet de Charles Baudelaire.

Les éditions de la Librairie de l’Art Indépendant, m’ont toujours fait rêver, n’est-ce pas chez Edmond Bailly, musicien ésotérique, auteur du Chant des voyelles, comme invocation aux Dieux planétaires, que se retrouvèrent, autour de 1890, toute une génération de jeunes écrivains, Pierre Louÿs, André Lebey, Henri de Régnier, Jean de Tinan, André-Ferdinand Herold ? C’est sous la marque dessinée par Félicien Rops, d’une femme, créature ailée à queue de poisson (?), avec la fière devise « Non hic piscis omnium », que parurent les derniers livres de Louis Ménard, les premiers livres de Gide, Les poésies d’André Walter, Le Traité du Narcisse, et le magnifique Voyage d’Urien illustré par Maurice Denis, les premiers Claudel, Tête d’Or et La Ville, Les Quatre faces de Bernard Lazare et sa curieuse plaquette, La Télépathie et le néo-spiritualisme. Les théosophes, Blavatsky et Annie Besant, figurent elles aussi au catalogue de cette curieuse librairie, où la poésie, teinté d’ésotérisme d’un Jules Bois avait naturellement sa place. De la jeune génération il faut encore cité, Albert Fleury, André Fontainas , Paul Fort, Pierre Quillard avec sa Gloire du Verbe, et Edouard Ducoté. Du groupe formé autour de Pierre Louÿs, qui laisse au catalogue trois titres, Astarté, Les Chansons de Bilitis et Léda, Henri de Régnier n’est pas en reste avec quatre titres, Poèmes anciens et romanesques, Tel qu’en songe, Contes à soi-même, Aréthuse, c’est sous le pseudo d’André Yebel, qu’André Lebey y publie Les Chants de la nuit et Préludes triste, Jean de Tinan son Document sur l’impuissance d’aimer, et André-Ferdinand Herold quatre titres, dont ses Chevaleries sentimentales. Mallarmé lui-même en 1890, donne à Bailly sa Conférence sur Villiers de L’isle-Adam (tirée à 50 ex. numérotés : 5 sur japon impérial et 45 sur hollande), et Oscar Wilde, en 1893, sa Salomé écrite en français et révisée par Stuart Merrill, Adolphe Retté, Marcel Schwob et Pierre Louÿs, le dédicataire.

Mais revenons à notre volume, Xavier Perreau n’est pas tout à fait un inconnu, en effet Edouard Dujardin dans Les Premiers poètes du vers libre, Mercure de France, Les Hommes et les idées, 1922, en appelle à son témoignage (c’est moi qui souligne) : « La Revue Wagnérienne a été fondée en 1885 ; et personne ne s'étonnera que ce soit à Wagner que je doive mes premières préoccupations de vers librisme. Très tôt, je m'étais dit qu'à la forme musique libre de Wagner devait correspondre une forme poésie libre; autrement dit, puis que la phrase musicale avait conquis la liberté de son rythme, il fallait conquérir pour le vers une liberté rythmique analogue. Et c'est précisément ce que j'exposai à Laforgue, lors de notre première rencontre, fin mars 1886, à Berlin. Il y a un témoin : Houston Stewart Chamberlain; et un témoignage: une lettre que celui-ci m'écrivit peu après, dans laquelle il évoquait ces souvenirs. A cette époque, je travaillais à un grand poème, A la gloire d'Antonia, qui devait comprendre un ensemble de parties en prose et de parties en vers, — le même cadre que j'allais employer deux ans plus tard pour la Vierge du roc ardent et plus tard encore pour la Réponse de la bergère au berger. Les parties en vers de ces deux derniers poèmes devaient être et ne pouvaient être que des vers libres; mais, à l'époque où j'écrivais A la gloire d'Antonia, je n'en étais pas à cette décision, et, pendant les trois premiers mois de l'année 1886, je tâtonnais, hésitant entre la forme du vers régulier plus ou moins libéré et une formule de vers libre dont la nécessité s'imposait à mon esprit. Mon ami le musicien Xavier PERREAU, que je voyais alors quasi quotidiennement, doit se rappeler tout cela, et n'a pu oublier en particulier quelle place la question de l'accent rythmique dans le vers tenait dans nos conversations de cette époque ! » Plus loin il fait même de Xavier Perreau l’un des participant actif à la libération du vers : « Parmi les jeunes gens qui, au cours des années 1886—1888, instaurèrent le vers libre dans la poésie française, quelques-uns ont tenu un rôle important, quelques-uns un rôle plus effacé; et encore n'avons-nous pu parler que de ceux qui publièrent leurs essais ; à côté d'eux et avec eux il aurait fallu en citer d'autres, tels, par exemple, le musicien Xavier PERREAU qui, après de longues recherches prosodiques, esquissa alors un drame en vers libres destiné à la musique. » Edouard Dujardin monté à Paris en 1878, pour préparer l’Ecole Normale, délaissa ses études pour se consacrer à la musique, il fut le condisciple de Paul Dukas et Debussy au conservatoire, après avoir découvert Wagner, en parallèle avec la propagation de l’œuvre du maître, il tente d’appliquer à la poésie les libertés rythmiques de la phrase musicale Wagnérienne.

La Médiathèque Musicale Mahler, qui détient un fonds Xavier Perreau, constitué de l’ensemble des manuscrits du musicien, une cinquantaine de partitions, nous apprend que Perreau est né à Romanrantin en 1856 et mort en 1939, qu’il fut violoncelliste à l’Orchestre Colonne, membre du Comité des Grandes Auditions et qu’il participa au groupe « Le Petit Bayreuth ». Ce cercle de Wagnérien français de la première heure fut fondé par Antoine Lascoux après un voyage à Bayreuth, les musiciens réunis là donnent des concerts privés dans les salons aristocratiques, on retrouve parmi eux la jeune génération tel Chabrier, Dukas, Messager, Fauré ou encore Vincent D’Indy, venus là autant pour Wagner que pour accéder à ces salons pleins de riches mécènes. Ce passage par « le Petit Bayreuth » explique t’il la dédicace des Cinq Mélodies à la Comtesse Greffulhe, future Duchesse de Guermantes de Marcel Proust ?

Nous avons vu que Perreau fut un ami d’Edouard Dujardin, fondateur de la Revue Wagnérienne, la consultation du catalogue de la BNF, nous permet de découvrir qu’il fut de même un proche de Théodore de Wyzewa, avec qui il écrivit une série de volumes sur les grands peintres (Les Grands peintres de la France, par T. de Wyzewa et X. Perreau. Firmin-Didot, 1890. Les Grands peintres de l'Allemagne, de la France (période contemporaine), de l'Espagne et de l'Angleterre, suivi de l'histoire sommaire de la peinture japonaise, par T. de Wyzewa et X. Perreau. Firmin-Didot, 1891). Autre fondateur de la Revue Wagnérienne, Théodore de Wyzewa fut l’ami des dernières heures de Jules Laforgue, il est l’auteur de Valbert (1893), le roman d’un décadent Wagnérien, archétype du "jeune homme" fin de siècle, qui se départissant de son égotisme, découvre le monde.

On retrouve dans le fond de la Médiathèque Gustav Malher deux manuscrits que l’on retrouvent édités dans notre volume, le premier est répertorié sous le titre : Les sauges m'ont dit… Mélodie sur des paroles de Jean Moréas, 13 p., plusieurs copies 0 Daté et signé “4 déc 1887”, le titre publié en 1894 est Les Fenouils m’ont dit… Il s’agit en fait du poème Une Jeune fille parle (1). Le second, La tentation de Saint Martin, Pour voix et piano, texte de Robert de Bonnières, 10 p., Daté et signé “Bois Boudran, Paris, janvier, février, 1889”.

Le Frontispice du volume est une lithographie de Louis Anquetin (1861-1932), représentant une jeune fille de dos, visage tourné vers nous, un instrument de musique en main. Anquetin fut à la fin des années 1880, un peintre d’avant-garde, grand ami de Toulouse-Lautrec, il sera de l’expérience du Cloisonnisme avec Emile Bernard, comme celui-ci il se tournera vers le classicisme après 1890. Anquetin fut un des condisciples d’Edouard Dujardin au lycée Corneille à Rouen, il illustrera d’un frontispice Pour la vierge du roc ardent de celui-ci en 1889, le choix d’Anquetin par Perreau comme illustrateur de sa brochure, vient sans doute de cette amitié entre croisée.


Pour en finir aujourd’hui avec Xavier Perreau, il est permis de dire qu’il fut un musicien Wagnérien, proche de Dujardin et Wyzewa, qu’il s’intéressa à la prosodie et au vers libre, musicien il ne dédaigna pas la plume de l’écrivain comme le prouve le témoignage de Dujardin et ses travaux avec Wyzewa, il est de plus l’auteur de La Pluralité des modes et la théorie générale de la musique, chez Fischbacher en 1908 et des paroles françaises de Israël en Égypte, oratorio en deux parties de Haendel.

Tous renseignements supplémentaires sur Xavier Perreau sont, évidemment, bien bienvenus.

(1) Les fenouils m'ont dit : Il t'aime si / Follement qu'il est à ta merci ; / Pour son revenir va t'apprêter. / - Les fenouils ne savent que flatter ! / Dieu ait pitié de mon âme ! // Les pâquerettes m'ont dit : Pourquoi / Avoir remis ta foi dans sa foi ? / Son cœur est tanné comme un soudard. / - Pâquerettes, vous parlez trop tard ! / Dieu ait pitié de mon âme ! // Les sauges m'ont dit : Ne l'attends pas, / Il s'est endormi dans d'autres bras. / - O sauges, tristes sauges, je veux / Vous tresser toutes dans mes cheveux... / Dieu ait pitié de mon âme. Jean Moréas. Poésies 1886-1896.

vendredi 21 mars 2008

LES PETITS RIENS DE LIVRENBLOG


André Rouveyre, Remy de Gourmont. Le ton Mercure de France. Lu dans un article intitulé André Rouveyre et le Festin de l’araignée, par Lucien Farnoux-Reynaud, dans le numéro de décembre 1934 du Crapouillot :

Singulier est le titre choisi par M. André Rouveyre pour son ouvrage. Singulier, en effet, est l’amour qu’il décrit, mais en prenant ce qualificatif dans le sens que lui attribuait M. Henri de Régnier alors qu’il écrivait ses savantes nouvelles.
Il y a un ton Mercure de France et ce ton que donnent, en un étrange accord, la passion de la littérature, l’orgueil du solitaire, le goût du rêve somptueux, du sentiment subtil et un recul instinctif devant toute réalité, nul ne le possède plus intensément que M. André Rouveyre. Il maintient avec âpreté la tradition d’une école glorieuse dans la poésie et la critique, d’une maison que hante toujours la grande ombre de ce bénédictin sans la foi, de ce moine laïque pour lequel la Cité de Dieu était la Cité des Livres : Rémy (sic) de Gourmont.

1892, le Théâtre d’Art, le Cantique des Cantiques de P. N. Roinard, par Julien Leclercq (I), Mercure de France janvier 1892.

Programme : La geste du Roy, traduction de Stuart Merrill, Adolphe Retté et Camille Mauclair ; Le Cantique des Cantiques, traduction et mise à la scène de P. N. Roinard, adaptations musicales de Mme Flamen de Labrély ; Le Concile Féérique de Jules Laforgue ; Les Aveugles de Maurice Maeterlinck ; Théodat, de Remy de Gourmont… Programme bien chargé, mais c’est de tradition au Théâtre d’Art ! Il me semble avoir assisté à une grand’messe trop longue où, pourtant, m’égaya durant quelques minutes une boutade inconvenante d’insolent et merveilleux poète. Je parle du Concile Féerique, de Jules Laforgue. Cette fantaisie mieux qu’amusante, à qui manque l’étendue d’une œuvre dramatique, est une page exquise d’ironique cruellement rieur dont le désir ne fut pas d’écrire pour la scène.
Stuart Merrill a traduit en vers sonores un fragment choisi de la Chanson de Roland ; Adolphe Retté, qui s’est écarté du texte dans Berthe au grand pié, a écrit des vers qui ont généralement été appréciés ; quant à ceux de Camille Mauclair, dans Fierabras, ils n’ont point étonné. – Les adaptations musicales de Mme Flamen de Labrély pour le Cantique des Cantiques sont d’une heureuse simplicité, et Paul Roinard, dont la tentative profane nous inquiétait, a en belle prose rythmée donné une impression juste du poème éternel de Salomon et fait preuve d’une grande habileté de metteur en scène. La décoration, du meilleur effet, était de sa composition et de sa main propre. Déplorons que le silence ait été troublé par les éternuements d’un public que nous ne croyons pas si raffiné et si difficile sur la qualité des parfums ; peut-être avait-ont oublié d’accorder les vaporisateurs.

Web : Suite à l’article sur l’enquête consacrée à Jean Lorrain par L’Esprit Français (I), lire sur le Blog consacré à Han Ryner, la préface de celui-ci au livre d’Hector Fleischmann, Le Massacre d’une Amazone, quelques plagiats de M. Jean Lorrain.

Vu au Salon du Livre, sur le stand du Castor Astral, la réédition de La Vie de Patachon de Pierre de Régnier, un livre léger, si léger… sur la jeunesse noctambule des années vingt. Roman autobiographique où l’on peut suivre les amours, de Fifi-Biquet et Emma Patachon, la cocotte. Il fallait que ce livre fût écrit par le fameux Tigre, fils de Marie de Régnier et Pierre Louÿs, pour avoir les honneurs d’une réédition. Cette édition est présentée par Alain Weill et préfacée par Edouard Baer.

Alfred Jarry et les arts. Les actes du colloque, sont parus. Du Lérot, éditeur étant chargé de leur impression, on peut être sur de la qualité technique du livre, pour vous faire une idée, une visite s’impose sur le blog de L’Ombre des Idées.


D’Annunzio s’en va-t-en Guerre :


jeudi 20 mars 2008

Aparté

Dans la lettre des Amateurs de Remy de Gourmont (1), un billet, La Fatalité Gourmont ?, sur la publication du volume de la collection Bouquin consacré à Remy de Gourmont, un avis mitigé quand aux choix (?) effectués pour cette anthologie. Avis, auquel je souscris tout à fait. Moi qui rêvait d'un ou deux "Bouquin" reprenant la totalité des Promenades Littéraires.... Vas t'ont un jour prendre suffisamment au sérieux l'oeuvre de Gourmont pour la publier tel que l'auteur l'a voulu et, surtout en respecter la chronologie ? Voir un billet précédant.


(1) Que ceux qui ne seraient pas encore inscrit à cette lettre d'information, vraiment informative, se précipitent, pour la lire et envoyer un courriel pour la recevoir.

Le petit Mac-Nab illustré

Une visite au Salon du Livre de Paris, m’a permis de ramener ce petit pavé gris lettré de bleu à peine sorti des presses.


Ce Maurice Mac-Nab poète mobile et incongru s’ouvre sur l’étude biographique de l’Hydropathe poète chat-noiresque par Patrick Biau. Commençant sa recherche avec l’origine du clan des Mac Nab en Ecosse et leur passage en France au service de Louis XI, il suit les ancêtres des fils d’Edouard Mac-Nab de Vierzon à Choisy-le-Roi. Car, chez les Montmartrois fin de siècle, les Mac-Nab sont trois, Maurice (1856-1889) le poète des Poèmes Mobiles et illustrateur, son frère jumeau Donald, féru d’ésotérisme et de spiritisme auteur d’articles pour les revues Le Lotus et L’Initiation, et Allan illustrateur peu prolixe. Dès 1878 du cercle des Hydropathes aux Incohérents et autres Zutistes jusqu’au Chat Noir va s’écrire la légende de Maurice Mac-Nab, poète à l’allure sinistre, à la voix rauque et fausse, et au zézaiement comique. Ses poèmes absurdes teintés de macabre, feront le succès des soirées du Chat Noir. En 1886 paraît chez Vanier, Poèmes mobiles, premier recueil du poète « en bois », avec une préface de Coquelin Cadet, suivi l’année suivante chez le même éditeur avec le même préfacier de Poèmes incongrus. Atteint par la tuberculose Mac-Nab est hospitalisé à Lariboisière en 1888, il mourra en décembre 1889 âgé de trente trois ans. Inutile de dire que la présentation de Patrick Biau n’oublie aucuns détails bibliographiques, volumes, publications de grands et petits formats, publications en revues, avant de donner une anthologie de trente chansons et monologues.

Patrick Biau : Maurice Mac-Nab. Poète mobile et incongru, avec des reproductions en figures & 2 planches dépliantes hors texte, de divers dessinateurs, Charles Clérice, Candido de Faria, Fernand Fau, Henry Gerbault, Paul Merwart, Auguste Roubille, Sahib, Alexandre Steinlen, Stop, Uzès, et Mac –Nab. Les mille univers, petite encyclopédie portative universelle, 10 X 12 cm, 238 pages, bibliographie, présentation des illustrateurs, table.

dimanche 16 mars 2008

Jean LORRAIN EN 1931 L'Esprit Français enquête.



Continuant à butiner au hasard des revues, on retrouve aujourd’hui de nombreux noms déjà évoqués dans Livrenblog, dans une enquête sur L’Influence et la légende de Jean Lorrain (III) parue dans la revue L’Esprit Français, 3e année Tome III. Nouvelle série, N° 61, 10 juillet 1931. Le directeur et fondateur de cette revue est Georges Normandy (I), légataire testamentaire de Lorrain. Louis Bertrand, Henri de Régnier, Victor Margueritte, Yvette Guilbert, Fernand Divoire (I), Han Ryner (I), Pierre de Bréville, Léon Pierre-Quint (III), ont répondu aux questions de Pierre-Léon Gauthier pour le 25e anniversaire de la mort de Lorrain.










L’Influence et la légende


de Jean Lorrain.


Enquête



Jean Lorrain est mort le 30 juin 1906. Vingt-cinq ans déjà !
Au lendemain du décès de cet écrivain devant qui, hier encore, tout le monde s’inclinait, il se « fit comme un imbécile complot de silence ». (Octave Uzanne. Courrier Français, 18 mai 1911).
Depuis lors, jour par jour, Jean Lorrain n’a cessé de reprendre en littérature la place à laquelle il a droit. Ses inédits ont été publiés, ses ouvrages épuisé ont été réédités, ses pièces ont été jouées ; à Nice, Fécamp, Paris, rues et places portent son nom ; sa ville natales qui ne l’aima point toujours, a voulu, par un monument public, couronner sa mémoire ; deux ouvrages biographiques lui ont été consacrés et il aura bientôt les honneurs d’une thèses en Sorbonne.
C’est pourquoi nous avons jugé le moment venu de poser à quelques-uns de ceux qui l’on connu, les questions suivantes :


1e Que pensez-vous de la légende de Jean Lorrain ?


2e Que préférez-vous de son œuvre si diverses ?

3e Quelle influence exerça Jean Lorrain, selons vous, sur les écrivains de sa génération et ceux des générations suivantes ?

Quant à sa légende, voici les réponses :


- De Victor MARGUERITTE : Sa légende m’indiffère autant que m’a intéressé son œuvre.


- De Louis BERTRAND, de l’Académie Française : J’ignore la légende de Jean Lorrain et, d’ailleurs, vous savez, comme moi, qu’il n’y a rien à faire contre les légendes… »


- De Léon PIERRE-QUINT : … Par contre, la vie extraordinaire de Jean Lorrain m’avait vivement frappé. Cette espèce de légende d’épouvante et d’horreur qu’il était parvenu à créer autour de lui tout en se maintenant lui-même sur le plan de l’art et même de l’art pour l’art, faisait de lui un personnage éminemment scandaleux, surtout à une époque où triomphait l’esprit bourgeois et vertueux. Il est regrettable cependant qu’il n’ait pas eu l’idée d’écrire un Sodome et Gomorrhe. Il s’est contenté, dans ses livres, d’allusions équivoques. Il a tourné autour du terrible sujet…


- De HAN RYNER : Ce problème, que je ne m’étais jamais posé auparavant, est résolu pour moi depuis 1907 par le beau livre lucide de Georges Normandy sur Jean Lorrain. Un peu d’hétéromanie. Exceptionnellement, une curiosité d’une heure et une une expérience affrontée comme une corvée pour décrire un vice avec exactitude. De la mystification surtout. L’étrange besoin d’attirer les regards et de les tromper. A dix ans, il écrit à sa mère : « Je suis méchant et je veux que tout le monde le sache. » Ne reste-t-il pas le même enfant, un peu rieur, un peu boudeur, un peu poseur quand, vers la fin de sa vie, dans une lettre à Mme Aurel, il se moque de ceux qui l’on pris pour M. de Phocas, qui lui attribuent maintenant les aventures de von Woronsoff et qu’une réédition de M. de Bougrelon va jeter sur une troisième piste ? « Que faire contre la bêtise, la Bêtise énorme au front de taureau ? S’envelopper de la Capa rouge, bleue, verte et multicolore de la mystification et de la fantaisie. » Pour le calomnier, la Bêtise s’alliait à la Jalousie et à la Rancune. Mais, tantôt mystificateur qui s’amuse, tantôt calculateur qui calcule mal, Jean Lorrain était leur meilleur et plus naïf complice.


A MM. Louis Bertrand et Fernand Divoire. M. de Bougrelon apparaît le chef-d’œuvre de Jean Lorrain :


- Ce que je considère comme le chef-d’œuvre, c’est évidemment M. de Bougrelon, bien que je retrouve beaucoup plus de lui-même, une note plus intime, plus révélatrice dans quelques autres de ses recueils. (Louis Bertrand).


- Ce que je préfère : M. de Bougrelon qui est d’un bien grand monsieur. Et vous rappelez-vous, cher ami, l’histoire de cette Hollandaise qui se faisait masser par un nègre en caleçon de cuir ? (Fernand Divoire).

Pour Victor Margueritte, Jean Lorrain fut surtout « un grand chroniqueur ».

Quant à HAN RYNER, n’admirant Jean Lorrain que par endroits, il ne saurait marquer de préférence pour aucun de ses ouvrages :


Que préférez-vous dans son œuvre si diverse ?
Hélas ! je ne prends pas son œuvre beaucoup plus au sérieux que sa légende. Dans chacun de ses livres, des outrances qui blessent. J’admire des pages puissantes, des visions qui savent s’imposer à mes yeux, des trouvailles de style. Je n’aime assez et avec assez peu de réserves aucun de ses ouvrages pour déclarer que je le préfère.


HAN RYNER n’ose pas davantage dire l’influence de Lorrain sur les écrivains de sa génération et ceux des générations suivantes. Voici ce qu’il écrit à ce sujet :


Quelle influence exerça Jean Lorrain, selon vous, sur les écrivains de sa génération et sur ceux des générations suivantes ?
Il faudrait, pour répondre à cette question, des mois, et peut-être des années de travail assidu. Comment dégager son influence personnelle sur l’influence d’écrivains ses parents et ses supérieurs, comme Baudelaire, Edgar Poe ou Villiers de l’Isle-Adam ?... (Han Ryner).


Louis BERTRAND croit que cette influence fut purement extérieure :


« Je ne crois pas que Jean Lorrain eût eu une profonde influence sur la littérature de son temps : il était, pour cela, beaucoup trop isolé comme Villiers ou Barbey d’Aurevilly. Mais on a pu imiter ou démarquer ses contes, ses articles de journaux, ce qu’il y avait de plus extérieur dans son talent. »


Victor MARGUERITTE et Léon PIERRE-QUINT n’y croient pas du tout :


Quant à son influence – quels qu’aient été les mérites réels de M. de Bougrelon et de la Maison Philibert entr’autres, je ne vois point qu’elle ait été profonde ni durable. Jean Lorrain reste dans les lettres de son temps, une figure originale : destin déjà enviable. (V. Margueritte)


J’ai l’impression que Jean Lorrain est à peu près inconnu de la nouvelle génération. Jamais son nom n’est cité, ni aucune de ses œuvres. (Léon Pierre-Quint).


Fernand DIVOIRE penserait plutôt que certains contemporains ont puisé chez Lorrain le goût de la vérité cruelle et quelque tendresse pour les mauvais garçons.


J’ai entendu, une fois, Jean Lorrain, dire : Ce n’est pas une dent qu’il faut avoir contre l’humanité, mais trente-deux, et mordre ».
Je crois qu’une grande part de son œuvre est dans cette phrase. Le reste, c’est le romantisme symboliste de son époque, c’est le faux Lorrain, celui des princesses d’ivoires et d’ivresses, et des bagues.
Lorrain, je crois, reste un grand annaliste satirique, comme Juvénal et Perse. Il a manié le fouet assez durement et justement.
Peut-être a-t-il donné à quelques écrivains le goût de la vérité cruelle. Peut-être aussi, certains autres, plus intéressés par ce que vous appelez « sa légende » ont-ils puisé, chez lui, le goût des histoires de garçons d’hôtel.


Yvette GUILBERT seule attribue à Jean Lorrain une influence considérable et, sans doute, est-elle dans le vrai :


Jean Lorrain, cher Monsieur, me semble avoir préparé l’école actuelle du naturalisme, car qu’on le veuille ou non, il a été l’inspirateur de ceux qui aujourd’hui voient de par son âme ce qu’ils regardent avec leurs yeux. Toutes les marionnettes des classes désœuvrées et riches, tous les pantins du crime, les arsouilles de l’amour, le Lido et la Bièvre, la Cannebière et le « Point du Jour », tous les chercheurs de sensations, les hors-la loi de la Vertu, Jean Lorrain les a sculptés et peints, comme un Lautrec.


- Comme Toulouse Lautrec, il a été hanté par le désir de se servir du martinet, et ses études me semblent autant de fessées.


Je crois que Lorrain restera pour les prosateurs ce qu’est resté Baudelaire pour les poètes.


- Ce qu’on a cru de lui n’était que « Parisien ».
- C’est pour avoir trop aimé la vérité qu’il a tant parlé des mensonges et des masques.


Amant de la douleur, il aima les martyrs, et grand admirateur des peuples primitifs, on retrouve des détails « esthètes » dans les accoutrements ruineux de ses héroïnes.
Ce qui fait l’éclat de son style c’est le mélange artiste de ses goûts pour la beauté, l’étrange et le pittoresque. Les somptuosités métallifères de Baudelaire, son émoi froid et cruel des pierreries se retrouvent dans les descriptions lorrainiennes, et mettent de la splendeur sur les échines des personnages faisandés chers à Lorrain.
Je ne sais ce que je préfère dans l’œuvre de l’écrivain, car ce n’est point tant la qualité des sujets traités par lui qui m’enchante, c’est bien plutôt les essences de ses sensibilités, et les artifices de ses frissons fiévreux… c’est de l’art !


Il convient d’ajouter à ces réponses deux lettres, hors série si l’on peut ainsi dire, de M. P. de Bréville, le musicien d’Eros vainqueur,


18 avril 1931.


Monsieur,


Je me sens très peu qualifié pour répondre aux questions que vous me posez.
Il y a trente ans environ, séduit par le parfum de légende qu’ils exhalent, j’avais mis en musique certains poèmes de Jean Lorrain dont il entendait par hasard l’exécution dans un salon parisien.
Il estima que j’en avais rendu à souhait le caractère et l’atmosphère et, devinant par cette seule expérience que je comprenais comme lui-même le rôle expressif de la musique alliée à la poésie, il me confia brusquement le scénario d’Eros vainqueur.
C’est donc en musicien seulement que je pourrais vous parler de lui, car si jadis j’ai lu, je pense, à peu près tous ses ouvrages, j’en ai conservé un souvenir assez imprécis. Je ne saurais faire un choix parmi eux, vous dire quel est celui que je préfère, et moins encore décider quelle influence Jean Lorrain a pu exercer sur les écrivains de sa génération ou des générations suivantes.
Ce serait faire œuvre de critique littéraire… Permettez-moi de me récuser… et croyez, Monsieur, à mes très distingués sentiments.


P. de Bréville.



Et de M. Henri de Régnier, de l’Académie Française :


Cher Monsieur, le temps me manque pour répondre à votre enquête, mais vous trouverez dans un de mes volumes intitulé : Proses datées, une étude qui a pour titre : Gens d’Autueil et où j’ai rendu hommage au curieux et original écrivain qui fut l’auteur de M. de Bougrelon. Veuillez agréer, cher Monsieur, l’expression de mes sentiments sympathiques.


Henri de Régnier.



A la fin de ses jours, Jean Lorrain, parlant à Georges Normandy, s’écriait : « Les cochons, ils ont fait de moi un journaliste… »
D’avoir été un grand journaliste, le premier journaliste de son temps, cela fit beaucoup pour la célébrité de Jean Lorrain ; faudra-t-il permettre que cela fasse autant contre sa gloire ?
Car pour avoir été un grand journaliste, Lorrain n’en fut pas moins un grand écrivain. Et nous savons bien que, parce qu’il fut journaliste, il bâcla trop souvent la besogne quotidienne, il se répéta bien souvent. Mais que d’éclair de génie à travers tant de feuilles volantes !
Jean Lorrain ne laisse pas moins d’ailleurs une œuvre considérable de poète et de romancier. Le poète mourut jeune il est vrai. Mais s’il cessa de bonne heure d’écrire des vers, Lorrain n’en resta pas moins un poète, dans ses articles, dans ses romans, …dans ses articles qui sont si souvent des recueils ou, mieux, des synthèses d’articles.
On ne saurait, sans Jean Lorrain, écrire l’histoire de la fin du siècle dernier. Ecrivant une chronique rétrospective de 1900, Paul Morand s’en est bien rendu compte et l’écrivain qu’il cite le plus souvent, en son livre, c’est précisément Jean Lorrain.


Pierre-Léon GAUTHIER.




P. S. – Parmi les nombreux articles parus dans la grande presse française et étrangère, à l’occasion du 25e anniversaire de la mort de Jean Lorrain et dont nous donnerons quelques extraits dans notre prochain numéro, nous détacherons les lignes suivantes parce qu’elles répondent directement à notre enquête :

De L’Eclaireur de Nice (M. F. Cottalorda) :
… La légende de Jean Lorrain, je ne saurais trop le répéter, a donné au public une fausse idée de l’auteur de Monsieur de Phocas et de Monsieur de Bougrelon : on doit applaudir à toute initiative prise et à tout effort tenté pour dégager la figure du célèbre écrivain des exagérations absurdes et des injurieuses déformations par quoi on l’a obscurcie.
Quant à son influence, elle est indéniable, et il n’y a pas besoin d’attendre les résultats de l’enquête pour proclamer hautement que, parmi les chroniqueurs, conteurs et romanciers d’avant-guerre, Jean Lorrain est un de ceux dont les œuvres, jugées à tort frivoles et éphémères par certains critiques à courte vue, méritaient de survivre à l’époque qui les avait vu naître et lui ont survécu en effet.
… Dans sa si curieuse et si piquante revue rétrospective de 1900, M. Paul Morand (que M. André Thérive désigne dans un récent feuilleton come le successeur de Jean Lorrain) notant que par Jean Lorrain l’époque de son enfance évoquée dans ce charmant essai « est à jamais fixée dans nos esprits », caractérise son talent si original et si pittoresque en ces quelques lignes :
« Chacune des pages de Poussières de Paris et d’Histoires de Masques est pleine de couleurs exquises, de petits tableaux faits avec une admirable conscience, vus de l’œil le plus fin : aubes de banlieue, nuits de Mardi-Gras, tricheurs de Monte-Carlo, baignades de forains à Maisons-Laffite, dîners de printemps à l’Île de Poissy, propos de bars, croquis d’hôpital ou de morgue, coulisses de music-halls, instantanés exotiques de l’Exposition, esquisses pareilles aux panneaux que Lautrec vient de peindre pour la baraque foraine de la Goulue, d’actrices en train de se farder dans une loge, portraits d’écuyères ou d’assassins ; puis, soudain, à travers l’atmosphère enfumée des bouges, le grand vent pur de l’Estérel ».


De l’Indépendance Belge ( Bruxelles) :
… Que Jean Lorrains soit vivant encore, quoi d’étonnant ? Que son influence se soit accrue, qu’on la retrouve plus ou moins nette chez de nombreux écrivains d’à présent, rien là non plus qui doive nous surprendre. Jean Lorrain est une sorte de précurseur. Son souci artiste, sa vision aiguë des choses, et des hommes, son goût de la synthèse, et plus que tout, cette phrase poétique qui était la sienne ; ce style souple, bref, brillant, où coulent tous les parfums, où scintillent toutes les pierreries où chantent toutes les couleurs de palette – ce style qui est déjà comme annonciateur de celui d’à présent, mais plus solide et substantiel – tout cela devait lui valoir l’admiration des lettrés et des artistes.
Jean Lorrain grandit. Après un quart de siècle, sa voix conserve une sonorité rare. Elle est de celles qu’on ne peut pas ne pas entendre. Et cela seul compte.



vendredi 14 mars 2008

Jean LAROCQUE et FERREYROL à Sainte-Pélagie


Témoignage sur le passage de
Jean Larocque
à
Sainte-Pélagie.

En 1889, les Congrès ouvriers avaient prévus pour le 1er Mai de l’année suivante une importante manifestation pour la réduction de la journée de travail à huit heures. Suite à des articles parus dans le journal L’Egalité, soutenant ses manifestations, Emile Couret obtint le 13 février 1890 six mois de prison et le 6 avril quinze mois, pour incitation à l’insurrection. Il se constituera prisonnier le 14 juillet, mais fut ajourné faute de place, c'est seulement le 4 septembre qu'il rejoint les anarchistes Gégout et Malato, à Sainte-Pélagie. Couret relate son passage au Pavillon des Princes, dans son Histoire complète de Sainte-Pélagie, depuis sa fondation jusqu’à nos jours (1).


De ce livre je donne un extrait sur le passage éclair d’un détenu pas comme les autres : Jean Larocque, révolutionnaire acharné, puis écrivain sulfureux, auteur de romans licencieux, chez les éditeurs Brossier et Genonceaux, notamment de la série Les Voluptueuses, où le pornographe fait défiler Viviane, Daphné, Phoebé ou Odile.

C’est à la même époque (2) qu’arriva à sainte-Pélagie un homme dont le passage a été court – vingt-quatre heures à peine – mais qui a laissé un souvenir qui ne disparaitra pas de sitôt.
Nous voulons parler de M. Larocque, un vieillard, auteur des Voluptueuses, titre général d’une série de volumes légers qui ont nom : Viviane, Daphné et la Naïade. Les deux premiers ne furent pas poursuivis, mais dans le troisième, le Parquet , qui se réveille quelques fois, releva le délit d’outrage à la morale.
Inutile de dire que Viviane et Daphné ne le cédaient en rien, pour les descriptions érotiques, à la Naïade. Pourquoi avoir laissé passer les autres et avoir poursuivi ce livre ? A cette question, le Parquet seul pourrait répondre.
Quoi qu’il en soit, après saisie, et saisie complète, de tous les exemplaires de la Naïade, M. Larocque fur traduit devant la neuvième chambre correctionnelle, condamné à quatre mois, et envoyé à Sainte-Pélagie, au Pavillon des Princes.
Dès les premiers mots de la conversation, nous sûmes à qui nous avions affaire.
Soit que sa condamnation lui eût tourné l’esprit, soit que sa préoccupation habituelle de choses de l’amour lui eût altéré le cerveau, l’auteur des Voluptueuses ne jouissait pas de son bon sens.
Il se livra à une foule d’excentricités, se couchant, tout nu sur son lit avec son chapeau haut de forme, sur la tête, et son parapluie ouvert à la main, et voulant nous expulser de nos cellules, sous le prétexte drôle que nous manquions de femmes.
Par deux fois, il jeta sa nourriture dans les cabinets d’aisances, et, malgré toutes nos observations, se refusa à absorber quoi que ce soit des vivres de la prison et même de ceux que nous voulûmes lui offrir.
Il fallut le garder à vue. A chaque instant, il quittait sa cellule, venait dans les nôtres, et s’écriait, en accentuant chaque syllabe :
« - ça manque de femmes ! » ou : « Le voilà, M. Larocque ! Que lui voulez-vous, à M. Larocque ? »
On dut faire passer la nuit auprès de lui à un gardien, et lui retirer une corde dont il était muni, et dont il semblait vouloir se servir pour se pendre.
Le médecin, M. Moulard, mandé en toute hâte par la Direction, jugea dangereux son séjour à la prison, et il fut, le lendemain de son arrivée, transféré à l’infirmerie du Dépôt, et de là à Sainte-Anne.
Le pauvre homme y mourut dans les premiers jours de décembre 1890.

J.-P. Goujon (3), nous apprend que Larocque est condamné à trois mois de prison fin mars 1890, probablement pour la publication de la première série des Voluptueuses, son éditeur Brossier écopant d’une amende. Larocque est incarcéré le 6 octobre. Couret écrit, lui, que Larocque est à Sainte-Pélagie suite à la publication chez l'éditeur Ferreyrol de La Naïade (4). Couret rencontra Ferreyrol à Sainte-Pélagie, l’éditeur ayant été condamné à huit jours de prison pour la publication de ce livre.

Le 14 [septembre1890] au matin, [Gerault-]Richard quitte Sainte-Pélagie. […] Le lendemain, André Castelin, […] venait purger une condamnation de quinze jours de prison […] Trois jours après l’arrivée de Castelin [le 18 septembre 1890], l’éditeur Ferreyrol vint faire les huit jours de prison auxquels il avait été condamné pour outrage à la morale publique.
Le malheureux avait publié, sans avoir eu la précaution de le lire au préalable, un ouvrage de Larocque dont nous aurons à parler plus loin, et intitulé la Naïade.
Ce livre quelque peu licencieux, à la vérité, avait attiré sur notre ami les foudres du Parquet.
On est très chaste dans le sanctuaire de Madame Thémis. Comme Socrate, Ferreyrol fut accusé d’avoir voulu corrompre ses concitoyens.
Le livre fut saisi, à peine mis en vente.
Cette intelligence du Parquet nous étonna. Il procède différemment d’ordinaire et laisse vendre jusqu’au dernier exemplaire les ouvrages qu’il a l’intention de poursuivre.
Mais Ferreyrol avait des ennemis politiques, et on chercha à lui faire le plus de tort possible et le plus promptement.
Il eut la bonne fortune de se tirer de ce mauvais pas avec huit jours de prison. Nous ne nous en plaignîmes pas, car nous passâmes ensemble une semaine très gaie et très agréable. (5)

Il semble donc que l’éditeur Ferreyrol précéda de quelques jours son auteur à Saint-Pélagie, dont il était déjà parti lorsque Larocque arriva. Couret voit en Larocque un vieillard, né en 1836 celui-ci n’a alors que 54 ans, c’est dire si son aspect physique devait être dégradé.
Quant au décès, il serait intervenu selon un article de Henry Fouquier, d’accord avec Couret, fin novembre ou début décembre 1890, mais une note « conservée dans le dossier de police de Larocque indique que celui-ci décéda à l’asile de Vaucluse dans le courant de 1891 » (6).



(1) Couret (Emile) : Le Pavillon des Princes. Histoire complète de Sainte-Pélagie, depuis sa fondation jusqu’à nos jours. Avec quelques notes en forme de préface d’Achille Ballière. Flammarion, s.d., in-12, XIV-360 pp. Pages 283 à 285.
(2) La date du 6 octobre 1890, donnée par Goujon est confirmée par la chronologie du texte de Couret, ce paragraphe si situant après le 3 octobre.
(3) Lefrère (Jean-Jacques), Goujon (Jean-Paul) : Deux malchanceux de la littérature fin de siècle. Jean Larocque et Léon Genonceaux, Tusson Du Lérot, 1994, 115 p.
(4) La Naïade. Ferreyrol, s.d. [1890]. In-18, 338 p. couverture illustrée par H. Chartier.
(5) Couret. Pages 279-280.
(6) Goujon.


jeudi 13 mars 2008

Blaise Cendrars et le cinéma. Questions sans réponses.

Mon Ciné et Blaise Cendrars.

On peut lire sous la photographie pleine page d’un jeune acteur, Raphaël Ariscan, en dernière page de la revue Mon Ciné, 2e année, N° 76, 2 août 1923, le texte qui suit.


Raphaël Ariscan

Cet excellent artiste, après avoir interprété le rôle du Chevalier Roussi dans l’Affaire du Courrier de Lyon, a été engagé par le metteur en scène Franz Toussaint qui lui a confié le rôle principal dans son prochain film : Le Prophète. L’action se déroulera au Maroc et en Espagne. Blaise Cendrars, le collaborateur d’Abel Gance pour La Roue, assistera Franz Toussaint dans la mise en scène du Prophète. Fabienne Fréa sera la partenaire d’Ariscan, aux côtés d’une ingénue blonde, son absolu contraste. Après Le Prophète, Ariscan interprétera très probablement le rôle de Cardenio dans le Don Quichotte que compte réaliser Henri Fescourt.

Cet entrefilet pose beaucoup de questions :

En 1923, un film intitulé l’Affaire du Courrier de Lyon est bien référencé dans la base de données IMDb sur le cinéma, mais Raphaël Ariscan n’est pas crédité dans la liste des 14 premiers acteurs listés. Le Prophète ne figure pas dans la liste des réalisations de Franz Toussaint, il a toutefois réalisé, en 1922, un film au Maroc, intitulé Inch Allah, où figurait la comédienne Fabienne Fréa, pourrait-il s’agir du même film, malgré les dates ne correspondant pas ? Ce Prophète à t’il un rapport avec La Prophétie les 2 actes écrit par Toussaint en 1904 pour le Théâtre de l’Œuvre ? Ariscan à t’il tourné d’autres films ? Il ne semble pas que le projet de Don Quichotte avec Henri Frescourt, ait abouti. Que vient faire Blaise Cendrars dans cette histoire ? La Bibliographie de Franz Toussaint nous apprend qu’il publia une traduction du Cantique des Cantiques en 1919 aux Éditions de la Sirène, il dut y rencontrer Cendrars qui y assurait les fonctions de directeur littéraire. On connaît les activités cinématographiques de Cendrars durant les années 1918-1923, période où il travaille avec Abel Gance comme assistant réalisateur sur J’accuse en 1919 puis sur La Roue en 1923 (il réalise même un documentaire en collaboration avec Gance sur le tournage du film : Autour de La Roue), en 1921 à Rome il se lancera dans la réalisation sans résultat. Les informations données dans cet entrefilet de Mon Ciné, sont à peu près toutes erronées, faut-il croire à une participation de Blaise Cendrars à un film de Franz Toussaint et ce film est-il Inch Allah ? Voilà bien des questions pour lesquelles je n’ai pas de réponses, mais la trouvaille méritait, je pense, une exhumation. L’article ne fait pas mention de la qualité d’écrivain de Cendrars, mais il y est présenté comme un homme de cinéma, ce qui a sûrement du plaire au Bourlingueur si la revue lui est passée sous les yeux.

Franz Toussaint (1879-1955) écrivain orientaliste est l’auteur, traducteur, adaptateur de textes arabes, perses, indiens et même japonais. On connaît son Jardin des Roses de Saadi, ou son Rubayat d’Omar Khayyam, publiés aux éditions Piazza. Je donne ci-dessous les indications bibliographiques ayant servis à ce billet et ses travaux pour le cinéma :

Le Cantique des cantiques, Éditions de la Sirène, Paris, 1919

Théâtre : La Prophétie, 2 actes, Paris, Théâtre de l'Œuvre, 8 octobre 1904

Films

Scénario et réalisation :

1921 : - Le Destin Rouge.
1922 - Inch Allah, film muet co-réalisé avec Marco de Gastyne, tourné au Maroc, avec Fabienne Fréa.

Scénarios :

1918 - La Sultane de l’amour, film réalisé par René Le Somptier et Charles Burguet, avec France Dhélia dans le rôle de la sultane Daoulah. Il publiera La Sultane Daoulah, chez Mornay, en 1923, avec des Illustrations de A.-H. Thomas réédité sous le titre La Sultane de l'amour, A. Delpeuch, en 1927.
1920 - Tristan et Yseult, écrit en collaboration avec Jean-Louis Bouquet réalisé par Maurice Mariaud.

mardi 11 mars 2008

Actualités et nouveautés

A propos d'André Rouveyre, je citais dans un billet précédent un passage de La Morale des Lignes de Mécislas Golberg, il y a quelques temps le Préfet Maritime, dans son Alamblog, nous donnait une bibliographie Des Tablettes, revue du même, il est bien sur essentiel d'aller y voir.

L'actualité de Jean Lorrain : Parution de Correspondance de Jean Lorrain avec Henry Kistemaeckers, réunie et présentée par Eric Walbecq, aux éditions du Clown Lyrique. Sur le site de Christine Serin, jeanlorrain.net, une rubrique nouvelle Au Fil du Web, recensant les sites et blogs faisant mention de Jean Lorrain (livrenblog y est en bonne place, que l'auteur en soit remercié).

Actualité du web : voir la Lyriques (s) revue permanente toujours aux Editions du Clown Lyrique, et un blog dont les premiers billets sont consacrés à Ephraïm Mikhaël avec Le Magasin de Jouet, au Y de l'Ymagier, on y trouvera aussi une lettre de Jarry à Max Elskamp. Sur l'Alamblog, encore, Corbière discute avec Verlaine, une découverte de Jean-Didier Wagneur.

Remerciement : Livrenblog et son blogueur dilettante se trouve cité sur le blog de Katrin Alexandre, Les Délassements dans le boudoir, merci à Mademoiselle K.

A lire : Le passionnant Feuilleton critique consacré (cinq chapitres déjà) à Saint-Pol-Roux et son oeuvre par SPiRitus sur Les Féeries Intérieures.

Salon du Livre : Une bonne occassion d'aller visiter le hangar de la foire aux livres. Après la réédition de la Thèse sur la Gueule de bois de Maurice Mac-Nab, notre ami Patrick Biaud nous annonce qu'il sera présent au Salon du livre de Paris Porte de Versailles du 14 au 19 mars. Si tout vas bien il y présentera son nouveau livre sur Mac-Nab, sur le stand des éditions Mille-Univers.

Le dernier numéro Du Grognard (N°5 mars 2008) numéro spécial "Solitaire ou Solidaire" vient de paraître.

Les Editions Cynthia 3000 nous mettent l'eau à la bouche en annonçant la parution prochaine d'un volume de Fagus : Colloque sentimental entre Emile Zola et Fagus.

lundi 10 mars 2008

André ROUVEYRE

André ROUVEYRE



Aujourd'hui Livrenblog se pare de caricatures d'André Rouveyre et tente une bibliographie de l'auteur du Gynécée.
La caricature, dont Rouveyre est l'un des maîtres, éxagère et déforme, son ami Mécislas Golberg, étudiant ses dessins, voit dans cette déformation le principe même de la création. Dans son avant-propos à La Morale des Lignes, Golberg, dit rechercher « une idée absolue », « l’indication d’une esthétique suggérée par une œuvre solide et entière de Rouveyre : Carcasses Divines ». Je donne plus loin le chapitre de La Morale des Lignes consacré à la déformation.



Bibliographie sommaire d’André Rouveyre :



Cent cinquante caricatures théâtrales de Rouveyre. Chroniques par Nozière, préfaces de Catulle Mendès et d'Ernest La Jeunesse. A. Michel, 1904, 267 p., in-8

La Comédie Française (1905-1906). Préface du comte Robert de Montesquiou. A. Michel, 1905, VI p., planches en noir et en couleur. Portraits charges de la direction, des acteurs et du personnel de la Comédie-Française.

Carcasses divines, portraits et monographies dessinés par Rouveyre, 1906 et 1907, J. Bosc et Cie, 1907, 55-VI-XXXV- [II] ff., in-4.

Dialogue des amateurs. Galerie E. Druet, 1907. Plaquette in-8 agrafée de 12 pages. Préface de Remy de Gourmont au catalogue de l'exposition de dessins originaux de Rouveyre qui a eu lieu à la Galerie Druet du 18 au 30 nov. 1907. Les deux plats sont illustrés d'un dessin de Rouveyre.









Le Gynécée, recueil précédé d'une glose par Remy de Gourmont. Société du Mercure de France, 1909, In-4 ̊, 6 p., 76 planches Illustrations en noir et blanc, in-4.

Phèdre. Ed. du Mercure de France, 1910, X pages de planches, 28,5 cm

Mort de l'amour, avec, en appendice, une prose, En rêvant sur un album de dessins, de Jean Moréas. Mercure de France, 1911, In-4 ̊, 35 p. Dessin et textes gravés dans le bois

Regards sur le nid d'un rossignol de murailles. Double suite des gravures sur bois... Abbeville, impr. de F. Paillart, Edouard Champion, 1912, In-16, II p., VII-VII planches Les Amis d'Édouard, n°̊ 9

Exécution secrète d'un peintre [M. G. Cariot] par ses confrères, avec la défense du président du Salon d'automne [Frantz Jourdain], documents publiés par André Rouveyre. Mercure de France, 1912, in-18, 31 p.









Visages des contemporains. Portraits dessinés d'après le vif : 1908-1913. Préface de Remy de Gourmont. Mercure de France, 1913, XII-288 p.

Quelques prisonniers allemands. 17 dessins. Préface d'Emile Verhaeren. Paris, Mercure de France, 1915, in-16.

Guillaume Apollinaire et André Rouveyre. 'Vitam impendere amori', poèmes et dessins. Mercure de France, 1917. In-8 ̊, 14 feuillets, fig.

Parisiennes. Avec un texte de Remy de Gourmont. Crès, 1923. In-4° (34 x 24 cm), broché, couverture rempliée illustrée. "ouvrage imprimé à petit nombre". Une première édition est parue en 1912 à 330 exemlaires.

Le Reclus et le Retors : Gourmont et Gide. Avec 16 lithographies originales et un frontispice. G. Crès, 1927, In-8 ̊, IV-213 p., pl.

Marquet, dessins... Par André Rouveyre et George Besson. Lanzac, par Souillac, Le Point, 1943. In-4 ̊ (250 x 180), 48 p., fig., portr. fac-sim. Le Point. XXVII, décembre 1943

Apollinaire filmé en 1914, reproduction des 50 images en reconstitution de la petite machine animée. Précédé d'un avertissement par André Rouveyre. Lanzac, par Souillac, Lot, Le Point. 1944. In-16 oblong (105 x 170), 18 p. n. ch., pl.

Vita vixit. Poésies et deux bois originaux, suite et fin de Vitam impendere amori avec Guillaume Apollinaire en 1917. Reproduction fac-similé du manuscrit inédit. 1959, impr. Féquet et Baudier, 1960, 25 cm, 25 p.

Souvenirs de mon commerce. Gourmont. Apollinaire. Moréas. Soury. Avec douze bois originaux de l'auteur. G. Crès, 1920. in-8, 3 ff., 262 pp., 1f d'errata.

Supplément à l’Homme de Cour de Balthasar Gracian. Editions du Trianon 1928, 1928. 4 cuivres de G. Gorvel et bois originaux d'A. Beloff. in-12, 117 pp.

Le libertin raisonneur. Les Editions G. Crès et Cie, 1923, in-8, 230 pp. comprenant une suite de gravures sur bois Arlequin et Psyché et un frontispice.

Singulier. Mercure de France, 1934, in-8, 301 pp. Edition augmentée.

Silence. Mercure de France. 1937, in-12, 190 pp.

De la couleur, Henri Matisse. Éditions de la revue "Verve", 1945, 62 p. : fig. et pl. en noir et en coul., portr., couv. ill. ; 36 cm

Apollinaire. Gallimard, 1945, 268 p., ill. Extrait du Mercure de France, septembre 1920 ; de la ″Nouvelle revue française″, avril-mai 1942, de ″Fontaine″, 1943, et de ″Confluences″, novembre 1943

Choix de pages de Paul Léautaud par André Rouveyre avec une introduction des illustrations et des documents bibliographiques. Editions Du Bélier, 1946. 370 pages.

Repli. N.R.F., 1947, in-12, 185 pp.

Amour et poésie d'Apollinaire. Seuil, Pierres vives, 1955, in-12 br.

Correspondance : 1909-1951. André Gide, André Rouveyre. Ed. établie, présentée et annotée par Claude Martin. Mercure de France, 1967, 283 p., 20 cm

Fernand Roux... Matisse et son coiffeur. Auterive (route de Grépiac, 31190) : Fondation René Pous ; [Grépiac] (les Escouplies, 31190), 1993, 246 p., couv. ill., 21 cm. En appendice, texte d'une conférence d'André Rouveyre, Nice, février 1943

Matisse, Rouveyre correspondance. Ed. établie, présentée et annotée par Hanne Finsen. Flammarion, 2001. 667 p. : ill. en noir et en coul., jaquette ill. en coul., 32 cm.

Nous avons vu que le sens de la réalité est dans son idéité, dans la quintessence des faits qui la constituent. On peut accumuler les notations exactes, des faits « pris sur le vif », tout cela n’augmente en rien l’expression de la réalité, et je dirai même : tout cela ne prouve rien. La vérité est visionnaire ; la réalité dans le sens stricte est le résultat d’un filtre merveilleux : de la pensée, de la compréhension, plus l’émotion, le mystère. Voici pourquoi de vieux dieux chinois ont des bosses qui nous semblent fausses et qui pénètrent de ferveur religieuse l’inquiétant Mongol. Et ces divines statuettes des îles ioniennes avec leurs déformations : ce ventre d’hydropique, ces seins multiples, ne résument-ils pas tout un monde de passions, de rêves, d’intérêts ? La réalité religieuse ou scientifique, la réalité en art et en philosophie sont des produits de hautes chimies intellectuelle, de quelque cornue où tels angles, tels détails se sont fondus, d’autres invisibles, secondaires ont surgi et où dans l’ensemble est née une nouvelle réalité, plus précise que son équivalent, plus nette, qui aidera même à comprendre et à utiliser la réalité courante, établie. La déformation – ce qu’on appelle vulgairement la déformation est le principe même de la création humaine, notre anima Dei !

Extrait du chapitre Déformation de La Morale des lignes de Mécislas Golberg. Librairie Léon Vanier, Editeur A. Messein, 1908.







Sur Mécislas Golberg (1869-1907) voir : Mécislas Golberg Passant de la pensée. Une anthropologie politique et poétique au début du siècle. Maisonneuve et Larose, Quatre Fleuves. 1994, in-8, 506 pp. Bibliographie. Couverture illustrée, illustrations hors texte. Etudes critiques, bibliographie et documents réunis par Catherine Coquio. Collaboration de M. Décaudin, Ph. Oriol, P. Dufief, G. Ducrey, S. Lucet, J.-P. Corsetti, etc. Choix de textes de Golberg.
Poète, théoricien politique, anthropologue, esthéticien, critique, anarchiste, sociologue, défenseurs des trimardeurs, des chômeurs, des ouvriers non organisés, Golberg était admiré par Apollinaire, A. Rouveyre, L. Tailhade... Il laisse une œuvre diverse d'une grande intelligence et qui nous concerne encore.

Mécislas Golberg sur Livrenblog : Arnold Boecklin par Mécislas Golberg. Mécislas Golberg contre Remy de Gourmont : Orthodoxie symboliste.

Rouveyre dans Livrenblog : André Rouveyre : Quelques "Carcasses Divines". Rouveyre par Mécislas Golberg.