jeudi 15 octobre 2009

PICASSO 1901, première exposition à Paris





La publication, dans un billet précédent, d'articles sur la première exposition de Picasso à Paris (1) - l'un anonyme parut dans le Cri de Paris, l'autre de Fagus dans la Revue Blanche – nous avait déjà permis de constater qu'avec son ami Iturrino, le jeune Pablo Ruiz Picasso n'était pas passé inaperçu. C'est en cette année 1901 qu'il commence à signer ses tableaux, « Picasso », du nom de sa mère. A l'occasion de recherches dans la revue La Critique de Georges Bans, je découvre un autre court article, signé d'Emile Sedeyn, qui confirme l'intérêt suscité dans le milieux des « petites revues » par l'impatient espagnol alors à peine âgé de vingt ans.

(1) Galerie Amboise Vollard du 25 juin au 14 juillet 1901. Voir Livrenblog : Fagus : Picasso 1901.



Exposition de MM F. Iturrino et P. R. Picasso


J'aurais voulu parler plus tôt, durant qu'elle était encore ouverte au public, de cette exposition intéressante, où deux artistes très différents de tempéraments et d'idéal surent affirmer la personnalité originale curieuse et chercheuse de leur talent respectif.
Le talent de M. Iturrino est pensif et réfléchi, teinté de mélancolie, avec une accentuation puissante et douce à la fois des facultés d'observation. Sans larmoiements, sans exagérations mélodramatiques, son oeuvre nous montre la misère hautaine du bas peuple espagnol, misère qui se drape en des loques somptueuses et dont le sourire est plus amer, cent fois, que la plus amère des larmes. Les femmes de Salamanque, les gitanes dansant, las Chanas, la causerie de l'après-midi, sont, entre autres, des oeuvres peintes en grandeur et en pitié, dans une manière sobre et forte qui sert admirablement l'observation exacte sans vulgarité de l'auteur.
M. P. R. Picasso est aussi un observateur, mais un observateur plus fébrile, et comme impatient de noter toutes les impressions qui le séduisent ou l'arrêtent. Sa vision et son pinceau se plaisent aux sujets les plus divers : coins de beuglants montmartrois, terribles faciés de vieilles filles, douces et simples harmonies de tons gris comme en la Madrilena qui appartient à M. Sainsère, tragiques portraits de femmes de nuit, villages d'Espagne, boulevards de Paris, idylles comme les blondes chevelures, drames comme la Mère, etc... Tantôt c'est le charme ou l'imprévu des lignes, tantôt c'est la féerie des lumières, d'autres fois c'est la pensée furtive, le drame qui passe ignoré de la foule, - tout cela noté hâtivement, avec une verve extrêmement ingénieuse et diverse, séduite surtout par les impressions fugitives, alors que M. Iturrino s 'attarde plus volontiers aux rêves et aux misères qui sont de l'existence courante, et qui durent, - comme dure la vie.
En résumé, deux peintres et deux philosophes très différents en leur profonde originalité, et dont il sera intéressant de suivre l'effort, après cette révélation.


Em. Sedeyn.


La Critique N° 154 du 20 juillet 1901.


Voir : sur le blog des éditions Cynthia 3000, un article sur Fagus et Picasso : "Le Peintre s'appelle Picasso"

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